Bienvenu(e)s sur ce blog dédié aux mythes, contes et légendes classiques mais aussi à la fantasy et à la science-fiction (notamment contes de SF et suites futuristes de légendes, dans mon livre "Les mémoires du Galaxytime").
Quelques centaines de peintures médiévales de l’imagier de Fréjus sont parvenues jusqu’à notre époque. On y voit de nombreuses créatures méconnues ainsi que diverses scènes de la vie des humains.
Ces derniers semblent, au fil des images de ce monument, entretenir des relations complexes avec les animaux réels et imaginaires. (Ce fut le thème du précédent article, lisible ici http://www.benoitreveur.info/2017/12/monstres-humains-et-animaux-dans-l-imagier-de-frejus.html ).
Les êtres humains côtoient les animaux réels dans leurs activités quotidiennes, (comme dans les images de pêche à la ligne et de dressage d’oiseau présentées dans l’article précédent). L’ouvrage papier de Puchal et Dumas sur l’imagier (cf fin d’article) nous explique que cet homme tenant une arbalète (image numéro 1 ci-dessous) serait un chasseur.
En outre ces peintures médiévales de Fréjus nous présentent souvent des créatures hybrides, mêlant humains et diverses figures animalières.
Dans les lignes qui vont suivre, vous trouverez quelques suggestions de commentaires sur des illustrations situées tout en bas à la fin de cet article. NB : la numérotation picturale utilisée dans ce billet de blog correspond à l’ordre d’apparition des peintures ci-dessous, du haut vers le bas. (L’image numérotée 1 est donc, après la partie texte, la première en partant du haut, numéro 2 désigne la deuxième en partant du haut et ainsi de suite). Ces prises de vues sont issues de ma collection personnelle.
Comme vous le savez, l’imagerie médiévale des monstres visait souvent à avertir les gens sur ce qui était jugé mauvais par rapport aux critères moraux de l’époque. Les hybrides d’homme et d’animal cherchaient souvent à représenter des « travers » guettant tout être humain.
Cette vue de profil (image 2) nous présente une créature à torse et tête de femme humaine et à pattes animales griffues évoquant la figure du fauve, du chien ou du félin. Il pourrait donc s’agir d’une sorte de chimère non ailée, voire d’une variante de sphynge. Quoi qu’il en soit, sur cette image, elle file la laine de ses mains humaines, ce qui constitue une opposition flagrante par rapport à ses pattes. Le haut de son corps peut donc faire penser à une femme raffinée et soigneuse tandis que le bas semble évoquer assez clairement une figure de fauve, de bête féroce. Cette créature sert-elle à illustrer une sorte d’antagonisme et/ou de contraste entre ces deux polarités (artisanat et monde animal) ? S’agit-il en fait d’autre chose ? Pourquoi est-elle montrée de profil sous une apparence non quadripode ?
Une combinaison similaire se retrouve sur l’image suivante (numéro 3). Elle montre assez clairement une femme dotée de pattes animales d’un autre type que la précédente. Cette peinture visait-elle à représenter une opposition entre spiritualité et bestialité ? Quel travers ou tourment de la nature humaine peut-elle représenter ? Une telle créature hybride pourrait-elle symboliser un dilemme entre chasteté (sa tête humaine) et luxure (ses jambes animales) ? Si non, l’auteur de cette peinture voulait-il en fait illustrer la frugalité mise en opposition à la gloutonnerie ? Les possibles tiraillements des humains constituent un thème récurrent dans l’ouvrage Physiologos paraissant avoir influencé les bestiaires médiévaux.
Concernant la quatrième image en partant du haut, la créature sous forme de « femme-poisson » est-elle une néréide antique ou une sirène médiévale ? Cette peinture pourrait-elle en fait représenter Amphitrite ? La célèbre néréide joue un rôle important dans la légende des lions de terre et de mer de Saint Raphaël, ville voisine de Fréjus (voici un vieil article sur le sujet http://www.benoitreveur.info/article-legende-varoise-le-lion-de-mer-et-le-lion-de-terre-de-saint-raphael-54631825.html ). Sur cette pièce de l’imagier il ne s’agit probablement pas de Mélusine puisqu’elle est ici montrée sans baquet.
La bête que l’on voit sur ce tableau (illustration numéro 5) présente un aspect de dragon sans pattes. Il peut s’agir d’un amphiptère, serpent ailé que l’on retrouve en diverses occurrences en héraldique. Selon le « Dictionnaire étymologique des mots françois dérivés du grec » (Morin, De Wailly, 1803) ce terme (« amphiptère ») récurrent en matière d’armoiries signifie que ce dragon est ailé (« pteron » ) de chaque côté (« amphi » ). Selon Brenda Rosen (dans "The mythical creatures bible: the definitive guide to legendary beings", 2009) l’amphiptère serait un symbole héraldique de justice. Ce serpent aérien semble souvent assimilé au « Jaculus » du Livre VIII de l’ouvrage « Histoire naturelle » de Pline l’Ancien.
La créature visible sur l’image numéro 6 ressemble à une sorte de dragon à tête humanoïde. Comment pouvons-nous interpréter cette pièce picturale ? Faut-il plutôt y voir une sorte de chimère bipède ou autre chose ? Quel acte un homme pouvait-il commettre pour se retrouver changé en un tel monstre ?
Concernant la septième et dernière illustration ci-dessous, que peut représenter cette bestiole atypique ?
Je n’ai pas de réponses à toutes ces questions. Cet article vous propose mes actuelles
impressions sur ces créatures. Il nous manque certains éléments qui pourraient nous permettre de mieux comprendre cet imagier.
Les plafonds du cloître jouxtant la cathédrale de Fréjus présentent de nos jours pas moins de 300 peintures (à l’origine il y en aurait eu plus de 1000), parmi lesquelles de nombreuses créatures médiévales rares et atypiques. Dans cet imagier il y a aussi parfois des scènes d’humains. Pour de plus amples informations sur ces images médiévales vous pouvez consulter l’ouvrage papier intitulé « L’imagier de Fréjus » (par C Puchal et G. Dumas, éditions du Patrimoine). Ce livre développe entre autres choses, les techniques d’architecture et artisanat liées à ce monument tout en abordant son historique. On y apprend également que ces peintures remonteraient au 14ème siècle.
L’ouvrage de Josy Marty Dufaut intitulé « les créatures fantastiques » (éditions Autres Temps) propose des possibilités d’interprétations symboliques concernant quelques pièces de l’imagier de Fréjus (sur une centauresse et sur des hybrides d’animaux et d’objets).
Vous trouverez sur les liens ci-dessous d’autres images de monstres , un article blog en 2015 ici http://www.benoitreveur.info/2015/07/creatures-atypiques-du-cloitre-de-frejus.html et en 2009, ici http://www.benoitreveur.info/article-quelques-creatures-de-l-imagier-de-frejus-1-38685043.html et aussi celui-ci http://www.benoitreveur.info/2016/02/creatures-medievales-atypiques-a-frejus.html
En tous cas de nombreux mystères demeurent au sujet de cet imagier.