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Bienvenu(e)s sur ce blog dédié aux mythes, contes et légendes classiques mais aussi à la fantasy et à la science-fiction (notamment contes de SF et suites futuristes de légendes, dans mon livre "Les mémoires du Galaxytime").

Hercule dans la vallée du Rhône

Vainqueur contre les gigantesques Albion et Ligur et ayant contribué à la fondation de la ville de Nîmes, Hercule parcourut ensuite la vallée du Rhône.  Il rencontra alors un géant ou deux (Taras, et/ou Taurisque).

Taras

 Comme relaté en l’an 1887 par Laurent-Jean-Baptiste Bérenger Féraud (Cf sources en fin d’article) le gigantesque Taras est une divinité de la mer, a un dauphin pour destrier et Neptune pour père. La légende de Taras dans le Rhône s’étend de Beaucaire à Avignon. Le géant Taras semble avoir un passé de héros avant d’arriver dans la vallée du Rhône puisque, selon Pausanias, Taras est un héros (« Taras » signifierait « serein ») ayant donné son nom à la ville de Tarente en Italie du Sud et au fleuve local et serait fils de Neptune et d’une nymphe (Pausanias ; Dain et Kerlouégan, Mythographe du Vatican ; Belfiore ;  Grimal,). Taras demeure supposé fondateur de Tarente et aurait pour mère Satyra (Belfiore ; Grimal). Le dictionnaire de Grimal  précise que la nymphe Satyra porte parfois le nom de Satyria.   De plus, Taras chevauchant son dauphin apparait souvent sur des pièces de monnaie (Bracci, 2019). En outre, Hercule et Taras semblent entretenir une rivalité de longue date puisque selon l’Enéide de Virgile (citation dans le dictionnaire de Belfiore, entrée « Taras »), la ville de Tarente revient à Hercule.

   Taurisque

Quant à Tauriskus, correspondant probablement à la figure légendaire de Taurisque, il s’agirait d’un gigantesque brigand des montagnes : Berenger-Féraud (1887) le situe aussi dans la vallée du Rhône, entre Montélimar et Valence. Nul ne saurait dans quelle grotte pourrait se tenir l’antre de ce géant des montagnes.  

Selon l’auteur antique Timagène d’Alexandrie, Heraclès (vraisemblablement équivalent à Hercule) aurait aidé les gaulois dans leur combat contre le tyran Taurisque, « doublet de  Géryon »  (Fernand Benoit, 1949). Le nom de ce Taurisque renverrait à « un dieu cornu de fleuve » (F Benoit, 1949 p. 136) et a un dieu tricéphale similaire au Cacus romain.

Ammien Marcelin, un autre auteur antique, avait écrit sur Taurisque et Hercule. Dans « Histoire de Rome », Ammien Marcelin raconta que le thébain Hercule, dans son chemin pour aller tuer Géryon et Taurisque, parcourut une voie des Alpes Maritimes. Pour Bérenger-Féraud le repaire de Taurisque se trouverait dans les hauteurs soit de la Drôme, soit de l’Ardèche, soit du Dauphiné.  Il me semble qu’on ne sait pas si le repaire de Taurisque contiendrait un trésor formé par la somme de ses butins, ni si le géant aurait dispersé son trésor dans diverses grottes (en Ardèche, dans la Drôme et dans le Dauphiné) afin de ne pas risquer de se faire voler la totalité de son trésor. 

Le combat entre Hercule et le(s) géant(s)

 Dans la version de Bérenger-Féraud, Hercule délivra la Drôme en tuant le géant Taurisque.  On ne sait pas si le combat entre Hercule et Taurisque eut lieu vers Montélimar, ou sur les bords du Rhône à l’emplacement de l’actuelle ville de Valence ou si la confrontation eut lieu ailleurs dans la vallée du Rhône. Dans le cas d’un combat entre Hercule et Taras, on peut supposer que la confrontation eut lieu sur les bords du Rhône quelque part entre le futur emplacement du pont d’Avignon et les berges de Tarascon où le roi René aura plus tard son château. Que le légendaire Hercule ait vaincu Taurisque ou Taras ou les deux successivement en remontant la vallée, on ne connait pas la manière dont se déroula l’affrontement.

  Théocrite, dans son Idylle, avait expliqué qu’auprès de Harpalycos de Phanope, fils de Mercure, le mythique Hercule avait appris l’art de faire des crocs-en-jambe et de lutter souplement ainsi que les stratégies du pugilat et les subtilités du ceste consistant à oppresser son adversaire en se penchant vers le sol. Dans ce même passage de l’Idylle, Théocrite explique ensuite que Castor enseigna à Hercule l’art de manier la lance et le bouclier ainsi que la stratégie militaire.   Il me semble donc loisible d’imaginer que le vaillant Hercule utilisa un croc-en-jambe ou une autre technique souple de lutte pour déséquilibrer Taras ou Taurisque. Les versions pourraient varier sur la manière dont Hercule procéda pour occire son adversaire.  Mais d’autres pourraient raconter que les géants étant très grands, Hercule ne parvint pas à les saisir ni à crocheter leurs jambes et que le légendaire Hercule utilisa donc ses compétences pugilistiques ou sa maîtrise du maniement de la lance pour ôter la vie au(x) géant(s) (Taras, Taurisque ou les deux). On peut aussi supposer que le géant, probablement trop grand et trop costaud, n’était alors pas non plus vulnérable aux frappes avec et sans arme et que, par conséquent, Hercule aurait été contraint de soulever un gigantesque rocher et de le lancer sur le géant pour le mettre hors d’état de nuire. En tous cas Berenger-Féraud raconte que le héros Hercule tua le géant, sans expliquer comment. Chacune et chacun peut imaginer à sa guise de quelle manière se déroula le combat entre Hercule et le géant.

   Filiation avec la Tarasque ?

Hercule ayant délivré la vallée du Rhône en terrassant le géant oppresseur (Taurisque), ce héros mythique (Hercule) permit aux habitants de la région de développer l’agriculture et l’industrie. Bérenger Féraud (1887) achève son récit (page 15) en indiquant que les habitants, libérés du joug de leur gigantesque tyran (Taurisque), cultivaient désormais l’amour de leur prochain.

Quelques siècles après les supposés faits attribués à Hercule, Sainte Marthe a mis la compassion en pratique. Marthe est connue pour avoir dompté une légendaire créature qui terrorisait la vallée du Rhône :  la tarasque de Tarascon (légende popularisée par Jacques de Voragine), probable héritière thématique de Taurisque. Selon Louis Dumont (tel que cité par Fernand Benoit, 1952, page 1013) la légende de la tarasque semblerait provenir d’un antique dragon pouvant correspondre à Taurisque.          

    Question d’imaginaire ?

  Si l’on tient compte des similitudes entre Taurisque et Tarasque ne pourrait-on pas supposer qu’au fil des époques l’imaginaire collectif a probablement transformé le géant brigand Taurisque en un furieux dragon avant de le changer en une féroce tarasque dotée d’une carapace bardée de piquants ? (Dans ce cas on peut imaginer que l’influence de la légende de Taurisque se serait progressivement étendue jusqu’à Tarascon).   En revanche ne peut-on pas supposer, au niveau local entre Tarascon et Avignon, une rivalité thématique entre Hercule et le mythique héros Taras fendant les eaux sur le dos de son dauphin ? Dans l’imaginaire de certains auteurs, les deux héros se sont-ils disputé le territoire d’Avignon à Tarascon ? Cette probable rivalité thématique entre les deux héros mythologiques pourrait-elle être symbolisée par un récit légendaire de combat physique opposant Hercule à Taras dans la vallée du Rhône ?  

Texte écrit par Benoit Rêveur, entre le 09 janvier 2024 et le 05 Juin 2024.

Sources :

Ammien Marcelin , Histoire de Rome, Livre XV, X-9 https://remacle.org/bloodwolf/historiens/ammien/15.htm

 

Belfiore, Jean-Claude.  2010 .Grand Dictionnaire de la Mythologie Grecque et Romaine. Editions Larousse (références sur Taras : Pausanias, Mythographe du Vatican, Caelius Antipater FR 35 et Virgile : Enéide III , 551)

 

Bracci, Sara. 2019 Les mythes de Taras et de Phalantos sur les Didrachmes Tarentines. https://www.inumis.com/wp-content/uploads/2019/03/article_00014.pdf

Fernand Benoit, « La légende d’Héraclès et la colonisation grecque dans le delta du Rhône », in Bulletin de l’association Guillaume Budé, année 1949, pages 104 à 148   consultable ici https://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_1949_num_1_8_6813

Fernand Benoit, « Dumont (Louis). La Tarasque. Essai de description d’un fait local du point de vue ethnographique », in Revue belge de Philologie et d’Histoire, année 1952, 30-3-4, pages 1012 à 1015, consultable ici https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1952_num_30_3_2152_t1_1012_0000_2  

Grimal, Pierre. Dictionnaire de la Mythologie Grecque et romaine. 15ème édition, 2002. Presses Universitaires de France.

Laurent-Jean-Baptiste Bérenger Féraud, « Contes populaires des provençaux de l’antiquité et du moyen-âge » , 1887, pages 13 à 15, texte consultable ici https://archive.org/details/contespopulaires00unse_1/page/14/mode/2up?view=theater 

Louis Dumont, : voir Fernand Benoit, 1952

Mythographe du Vatican.  Traduction et commentaire : Philippe Dain. Contributeur : François Kerlouégan.   Passage sur Taras : III, 3, 2, dans la note numéro 1 page 204 , ici https://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_1995_edc_579_1#ista_0000-0000_1995_edc_579_1_T2_0197_0000  https://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_1995_edc_579_1#ista_0000-0000_1995_edc_579_1_T2_0197_0000 

Pausanias, Phocide (Live X, chapitre 10 section 8), https://remacle.org/bloodwolf/erudits/pausanias/phocide.htm#X 

Théocrite, Idylle, consultable ici https://mediterranees.net/litterature/theocrite/idylle24.html 

Timagène d’Alexandrie : voir Fernand Benoit.

Autre document Ammien Marcelin    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6148645p/texteBrut  

 

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