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Bienvenu(e)s sur ce blog dédié aux mythes, contes et légendes classiques mais aussi à la fantasy et à la science-fiction (notamment contes de SF et suites futuristes de légendes, dans mon livre "Les mémoires du Galaxytime").

Sosipolis (mythologies grecque et romaine)

L’histoire mythique de ce nourrisson humain devenu dragon-serpent fut relatée par Pausanias. Lorsque les arcadiens menaçaient l’Élide, une femme montra un bébé aux éléens et, avec leur accord, présenta devant les troupes ennemies le nourrisson qui se changea en reptile. Cela leur permit de sauver la ville en mettant leurs opposants en déroute. Le texte de Pausanias semble considéré comme la seule source antique connue à ce jour au sujet de ce mythe. 

Dans l’ouvrage intitulé « Periegesis » dans le livre VI (consacré à l’Élide) on peut lire : (section XX-5) : « Au moment que les Arcadiens commencèrent à donner, cet enfant se transforma tout à coup en serpent. Les Arcadiens furent si effrayés de ce prodige qu'ils prirent la fuite ; les éléens les poursuivirent vivement, en firent un grand carnage, et remportèrent une victoire signalée. Comme par cette aventure la ville d'Élis fut sauvée, les éléens donnèrent le nom de Sosipolis à ce merveilleux enfant, et lui bâtirent un temple à l'endroit où changé en serpent il s'était dérobé à leurs yeux. Et persuadés que la déesse Lucine avait singulièrement présidé à sa naissance, ils lui décernèrent aussi un temple et des sacrifices. » (traduction française par l’abbé Géodyn, 1731) 

 Dans la section XX-3 on peut lire ceci : « Dans la partie antérieure du temple, car ce temple est double, il y a un autel dédié à la déesse Lucine, et les hommes y ont une entrée libre. Plus avant c'est le lieu où Sosipolis est honoré ; personne n'y entre que la prêtresse, qui même pour exercer son ministère se couvre la tête et le visage d'un voile blanc. Les filles et les femmes restent dans le temple de Lucine, et là elles chantent une hymne et brûlent des parfums en l'honneur du dieu, mais elles n'usent point de vin dans leurs libations. Jurer par Sosipolis est pour les Eléens un serment inviolable. » (traduction française par l’abbé Géodyn, 1731)  source de ces deux extraits : https://mediterranees.net/geographie/pausanias/livre6b.html

Un autre traduction française (de M clavier, 1821) du même passage propose ceci :

 « La vieille femme qui est attachée au service de Sosipolis, après s'être purifiée suivant les rites des Éléens, lui porte elle-même des offrandes expiatoires, et met auprès de lui des gâteaux pétris avec du miel. L'autel d'Ilithye est dans la partie antérieure du temple (car le temple est double, et les hommes peuvent y entrer. Sosipolis est adoré dans la partie intérieure; personne ne peut y entrer que la femme qui le sert; alors elle se couvre la tête et le visage d'un voile blanc. Les filles et les femmes, qui sont restées dans le temple d'Ilithye, chantent un hymne et brûlent toutes sortes de parfums en l'honneur de Sosipolis ; il n'est pas permis de lui faire des libations avec du vin. Le serment fait par Sosipolis est regardé comme un des plus inviolables. On dit que lorsque les Arcadiens entrèrent dans l'Élide avec une armée, au moment où les Éléens étaient rangés en bataille devant eux, une femme vint trouver leurs généraux; elle avait à son sein un petit enfant elle leur dit que c'était elle qui avait mis cet enfant au monde ; que d'après des songes qu'elle avait eus, elle le donnait pour auxiliaire aux Éléens. Leurs chefs ayant ajouté foi à ce que disait cette femme, ils placèrent devant l'armée cet enfant tout nu; et lorsque les Arcadiens s'avancèrent sur eux, l'enfant se changea en serpent. Troublés à la vue dé ce prodige, les Arcadiens prirent la fuite ; les Éléens les poursuivirent et remportèrent la victoire la plus signalée. Ils donnèrent à. ce dieu le nom de Sosipolis, lui érigèrent un temple à l'endroit où après le combat le serpent avait paru s'enfoncer sous la terre ; et pensant que c'était Ilithye elle-même qui avait fait naître cet enfant pour eux, ils ordonnèrent qu'elle fût adorée dans le même temple » (source de cet extrait http://remacle.org/bloodwolf/erudits/pausanias/elide2.htm#XX  )

Dans le chapitre suivant Pausanias décrit divers lieux à Élis, dont le temple de la déesse de la Fortune et sa grande statue puis il mentionne une chapelle voisine dédiée à Sosipolis, il y est représenté comme un enfant. Ce dernier, portant un vêtement multicolore constellé d’étoiles, tient une corne d’abondance. 

Pausanias semblait bien connaître la Grèce et vivait du temps de l’empire romain. Il mourut probablement à Rome.

 

Autour du mythe

Souvent traduit par « le sauveur de la ville » le terme  « Sosipolis » vient du grec.

Dans le « Grand dictionnaire historique ou le mélange curieux de l’histoire sacrée … »  (Louis Moréri , circa 1674- 1692 ) Sosipôlis (ici traduit par « conservateur de la ville ») est décrit comme un dieu des éléens. On y lit, entre autres choses, une description de Sosipolis sous forme d’enfant avec une robe semée d’étoiles et une corne d’abondance. Cet ouvrage explique également que Sosipolis était souvent un nom donné à Jupiter dans les villes dont il était considéré être le conservateur. Dans l’« Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers «  (tome quinzième, Diderot, circa 1765) Sosipolis, présenté comme un dieu antique des éléens, porte un habit multicolore semé d’étoiles et tient une corne d’abondance. L’ouvrage reprend la version de Pausanias et explique ensuite que Sosipolis signifie « sauveur de la ville » et est un nom parfois donné à Jupiter. Cela figure également dans le « Dictionnaire de la fable » (François Noel, circa 1801-1803) qui indique aussi « Sosipolis : sauveur de la ville – surnom de Jupiter ».

Plus loin dans ce passage de l’Encyclopédie de Diderot il est écrit : « On peut croire que les chefs des éléens pour effrayer leurs ennemis, et donner du courage à leurs troupes, s'avisèrent du stratagème d'exposer un enfant à la tête du camp, et de substituer ensuite avec adresse, un serpent à la place ». Cette explication rationnelle du mythe de l’enfant devenu serpent se trouve aussi dans le « Dictionnaire de la fable ».
 

Dans le livre intitulé « L’antiquité expliquée et représentée en figures, tome un : Les dieux des grecs et des romains » (par Bernard de Montfaucon, circa 1722-1724) il est expliqué, entre autres choses, que les plus grands serments se faisaient devant Sosipolis. Le même auteur présente Sosipolis comme un enfant allaité devenu dragon qui mit les assiégeants en déroute. Un songe avait averti sa mère qu’il sauverait la ville. Telle est la version relatée dans « Supplément au livre de l’antiquité expliquée et représentée en figures, tome premier les dieux des grecs et des romains » (1724), par Dom Bernard de Montfaucon.

Ces ouvrages des 17ème et 18ème siècles mentionnent donc les détails et grandes lignes du mythe de manière relativement similaire, le texte de Pausanias leur servant souvent de base commune.

Le « dictionnaire abrégé de la fable « (P. Chompré, circa 1764) indique pour Sosipolis : qui conserve la ville, et le présente à la fois comme surnom de Jupiter et comme nom d’une divinité d’Élide.

Le « Dictionnaire classique de l’antiquité sacrée et profane » (par M.N Bouillet, 1826) nous donne « soso » : sauver et « polis » : la ville.

Dans « Religions de la Grèce ou recherches sur l’origine, les attributs et le culte des principales divinités helléniques » (P.N Rolle, 1828) il est écrit « Sosipolis : Nom de Jupiter comme gardien des villes ».

Le dictionnaire d’Anatole Bailly de grec-français indique « soso »/ »sozo » et des termes proches : « sostos,-té,-ton : sauvé » ou encore « sostikos,-e,-on : capable de sauver, de conserver, de préserver » mais aussi « sostron , ou (to) ,(plur : ta sostra) : 1  récompense à celui qui sauve du danger ». Les autres acceptions de ce « sostron » concernent des thèmes et domaines différents.

Le Bailly mentionne, pour le terme « polis/poléos » les acceptions suivantes : ville, citadelle ; contrée autour d’une ville, la ville et son territoire alentour, région ou île habitée, échiquier (au tracé similaire à celui des rues), réunion des citoyens, cité, bourg, État, État libre, démocratie.

Dans le « Grand dictionnaire de mythologie grecque et romaine » (ed. Larousse) J.C Belfiore  présente Sosipolis à la fois comme un serpent et comme un dragon. Cet ouvrage évoque également le lien thématique existant souvent entre la corne d’abondance et la terre nourricière.

Possibles interprétations de ce mythe ?

Si l’on considère Sosipolis comme un bébé ou enfant humain retourné dans la terre, peut-on y voir une allusion à la terre nourricière ? La corne d’abondance dans certaines descriptions de Sosipolis ne peut-elle pas présenter des similitudes avec le thème mythologique de la terre nourricière ?

Ilithyie, déesse de l’enfantement, semble entretenir un lien thématique évident avec l’enfant Sosipolis. Dans son dictionnaire de mythologie, Belfiore explique d’Ilithyie est assimilée par les romains à Junon Lucina.

Le culte de Sosipolis en Elide semble souvent associé à celui de Tyché (assimilée par les romains à Fortuna). Cette divinité de la fortune a été comparée à l’abondance de la fameuse corne (cela fut évoqué par Felix Lajard dans « Recherches sur le culte, les symboles et les attributs et les monuments figurés de Vénus », 1837). Selon Lajard (page 90 de son ouvrage mentionné ci-dessus) Tyché était aussi protectrice des villes et Sosipolis serait un équivalent d’Eros. Lajard établit également un rapprochement entre l’Ilithyie olympienne et Vénus. On entend parfois parler du temple de Sosipolis et Ilithyie à Olympie. Juste après avoir relaté le mythe de Sosipolis, Pausanias (livre VI – section XX- 6) mentionne les ruines d’un temple de Vénus (Aphrodite) qu’il situe non loin de celui de Lucine/Ilithyie.

Georg Friedrich Creuser dans « Religions de l’antiquité « Volume 2 (circa 1835) au sujet de Sosipolis écrivit entre autres ceci (page 86) : « il avait en outre, à Elis une chapelle à gauche du temple de Tyché-Fortune où, dans un tableau et d’après une vision en songe, il était figuré comme un petit enfant avec un vêtement parsemé d’étoiles et une corne d’abondance à la main (Pausan, VI, 25-4). On peut consulter à ce sujet Böttiger, ‘ Kleine Schriften ‘ I P. 69, Raoul Rochette Peintures antiques, inéd. P 194 et 122 et Panofka ‘ Terrakoten des königl. Mus. zu Berlin , 1841 , I, I , 7. ‘ »  Il explique ensuite que selon le dernier cité Sosipolis correspondrait à la divinité de la richesse répondant au nom de Plutus et que Tyché serait représentée tenant un bébé dans ses bras.

La partie humaine de Sosipolis a fait l’objet d’un culte dans un lieu dédié, tandis que sa facette monstrueuse a disparu dans les profondeurs de la terre : pouvons-nous y voir une allégorie d’un personnage ayant maîtrisé ou assimilé la part d’animalité en lui ?

Quels autres symboles peuvent se cacher derrière ce mythe ?

Cet article comporte sans doute son lot d’inexactitudes, erreurs ou omissions, mais voilà pour le moment.

Par Benoit Rêveur, année 2019

 

 Dans l’image ci-dessous : pièces du temple de Zeus Sosipolis retrouvé en Magnésie du Méandre

 

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