Bienvenu(e)s sur ce blog dédié aux mythes, contes et légendes classiques mais aussi à la fantasy et à la science-fiction (notamment contes de SF et suites futuristes de légendes, dans mon livre "Les mémoires du Galaxytime").
Ma traduction française et ma transcription germanique figurent ci-dessous dans l'article. Le rocher très touristique et sa créature des eaux ont inspiré de nombreuses plumes. Le récit que vous allez lire nous vient d'un homme du 19ème siècle qui était professeur à Heidelberg.
La demoiselle sur le Lurley (rocher Lorelei)
Dans les temps anciens une demoiselle se laissait parfois apercevoir sur le Lurley au crépuscule et au clair de lune. Cette jeune femme chantait d’une voix si mélodieuse qu’elle charmait tous ceux qui l’entendaient. Beaucoup de gens passaient en bateau et sombraient en heurtant le récif ou happés dans le tourbillon car ils ne faisaient plus attention à la trajectoire de leur embarcation. Mais pour ainsi dire ils étaient soustraits à la vie en entendant les sons sublimes de la superbe demoiselle, comme l’essence délicate de la fleur s’échappe dans une suave exhalaison. Personne n’avait encore regardé la demoiselle dans les environs à part quelques jeunes pêcheurs. Elle se joignait à eux de temps à autre dans les dernières lueurs du couchant et leur montrait les endroits où ils avaient intérêt à jeter leurs filets et, à chaque fois qu’ils suivaient le conseil de la jeune femme, ils faisaient une pêche abondante. Les adolescents racontèrent désormais le lieu où ils arrivèrent et la bienveillance et la beauté de l’inconnue puis l’histoire se répandit dans toute la contrée alentour. Un fils du comte palatin, qui à l’époque avait sa résidence dans la région, entendit la merveilleuse nouvelle et son cœur s’enflamma d’amour pour la demoiselle. Sous le prétexte d’aller à la chasse il prit le chemin de Wesel, s’y assit sur un esquif et se laissa voguer en aval. Le soleil venait justement de se coucher et les premières étoiles faisaient leur apparition dans le firmament lorsque l’embarcation s’approcha du Lurley (Lorelei). « La voyez-vous là-bas, la maudite enchanteresse, car c’est certainement elle ! » s’écrièrent les bateliers. Mais l’adolescent l’avait déjà aperçue, elle qui se trouvait alors assise sur le flanc du mont rocheux non loin du torrent et tressait une couronne pour ses boucles dorées. Il entendit aussi à ce moment le son de sa voix et bientôt ne fut plus en pleine possession de toutes ses facultés mentales. Il signifia aux bateliers de mettre le cap sur le rocher, et, à encore quelques pas de ce dernier, il comptait bondir sur la terre ferme et s’emparer de la demoiselle. Mais il fit un saut trop court et sombra dans les flots dont les remous produisant de l’écume l’engloutirent de manière terrifiante.
La nouvelle de ce triste évènement arriva rapidement aux oreilles du comte palatin. Douleur et colère déchirèrent l’âme du pauvre père qui sur le champ donna l’ordre le plus strict de lui livrer la magicienne morte ou vive. Un de ses capitaines entreprit d’accomplir la volonté du comte palatin. Il demanda toutefois la permission de précipiter la sorcière d’emblée dans le Rhin afin qu’en tout cas (NDT) elle ne se libérât pas du cachot ou des liens par d’éventuelles manières malicieuses. Cela convint au comte palatin et le capitaine partit vers le couchant et cerna la montagne avec ses cavaliers placés en demi-cercle depuis le Rhin. Lui-même prit trois des plus courageux membres de sa troupe et monta à l’assaut de la Lorelei. La demoiselle siégeait en haut sur le sommet et tenait dans sa main un collier d’ambre jaune. Elle vit les hommes venir de loin et, en criant, leur demanda ce qu’ils cherchaient ici.
- « Toi, sorcière ! répondit le capitaine, il faut que tu fasses un plongeon dans le Rhin là en bas ! »
- « Oh ! dit la demoiselle en riant, qu’il plaise au Rhin de me porter. »
Sur ces mots elle jeta le collier d’ambre jaune dans le torrent situé en contrebas et chanta d’un ton terrifiant :
Père, rapidement, rapidement,
Envoie les montures blanches à ton enfant,
Qui veut chevaucher les remous et le vent !
Voilà pourquoi une tempête se mit soudainement à mugir. Le Rhin gronda de telle sorte que le rivage et les hauteurs des alentours furent recouverts d’une écume blanche. Deux vagues, lesquelles avaient presque la forme de deux chevaux blancs, volèrent avec la rapidité de l’éclair en partant des profondeurs vers le sommet arrondi du rocher et convoyèrent la demoiselle en bas dans les flots où elle disparut.
Alors seulement le capitaine et ses soldats se rendirent compte que la demoiselle était une ondine et que la force humaine ne pouvait rien lui faire. Ils retournèrent chez le comte palatin en lui donnant la nouvelle et, à leur grande surprise, ils y trouvèrent le fils que l’on croyait trépassé, lui qu’une vague avait porté sur le rivage.
Depuis cette époque la demoiselle Lorelei ne se fit plus entendre de nouveau, même si ensuite elle habitait encore ce mont et, par les bruyantes singeries de leurs discours, taquinait les gens passant en bateau.
NDT : certaines fois ce terme « wieder » signifie « en tout cas ».
NB : "Wesel" était l'ancien nom d'Oberwesel (localité proche du site de la Lorelei).
Die Jungfrau auf dem Lurley
In alten Zeiten liess sich manchmal auf dem Lurley um die Abenddämmerung und beym Mondschein eine Jungfrau sehen, die mit so anmuthiger Stimme sang, dass alle, die es hörten, davon bezaubert wurden. Viele die vorüberschifften gingen am Felsenriff oder im Strydel zugrunde, weil sie nicht mehr auf dem Lauf des Fahrzeugs achteten, sondern von den himmlichen Tönen der wunderbaren Jungfrau gleichsam vom Leben abgelöst werden, wie das zarte Leben der Blume sich in süssen Duft verhaucht. Niemand hatte noch die Jungfrau in der Nähe geschaut als einige junge Fischer. Zu diesen gesellte sie sich bisweilen im letzten Abendroth und zeigte ihnen die Stellen, wo sie Ihre Netz auswerfen sollten und jedesmal, wenn sie den Rath der Jungfrau befolgten taten sie einen reichlichen Fang.
Die Jünglinge erzählten nun, wo sie hinkamen und der Huld und Schoenheit der unbekannten, und die Geschichte verbreitete sich im ganzen Lande umher. Ein Sohn des Pfalzgrafen, der damals in der Gegend sein Hoflager hatte, hörte die wundervolle Mähr und sein Herz entbrannte in Liebe zu der Jungfrau. Unter der Vorwand, auf die Jagd zu gehen nahm er den Weg nach Wesel, setzte sich dort auf einen Nachen, und liess sich stromabwärts fahren. Die Sonne war eben untergegangen, und die ersten Sterne traten am Himmel hervor, als sich das Fahrzeug dem Lurley näherte. Seht ihr sie dort, die verwünschte Zauberin, denn das ist sie gewiss, riefen die Schiffer. Der Jüngling hatte sie aber bereits erblickt, wie sie, am Abhang des Felsenbergs, nicht weit vom Strome sass und einen Kranz fuer ihre goldnen Locken band. Jetzt vernahm er auch den Klang ihrer Stimme, und war bald seiner Sinne nicht mehr mächtig, er nöthigte die Schiffer, am Fels anzufahren und, noch einige Schritte davon, wollt’er an’s Land springen, und die Jungfrau festhalten, aber er nahm den Sprung zu kurz, und versank in dem Strom, dessen schaumende Wogen schauerlich ueber Ihn zusammenschlugen.
Die Nachricht vom diesem traurigen Begebnis kam schnell zu den Ohren des Pfalzgrafen. Schmerz und Wuth zerrissen die Seele des armen Vaters, der auf der Stelle den strengsten Befehl ertheilte, ihm die Unholdin todt oder lebendig zu liefern. Einer seiner Hauptleute uebernahm es, den Willen des Pfalzgrafen zu vollziehen, doch bat er sich’s aus, die Hexe ohne weiters in den Rhein stürzen zu dürfen, damit sie sich nicht vielleicht durch lose Kuenste wieder aus Kerker und Banden befreye. Der Pfalzgraf war dies zufrieden, und der Hauptmann zog gegen Abend aus, und umstellte, mit seinen Reisigen, den Berg, in einem Halbkreise vom Rheine aus. Er selbst nahm drey der beherztesten aus seiner Schaar und stieg der Lurley hinan. Die Jungfrau sass oben auf der Spitze, und hielt eine Schnur von Bernstein in der Hand. Sie sah die Männer von fern kommen, und rief ihnen zu, was sie hier suchten ? Dich Zauberin antwortete der Hauptmann. Du sollst einen Sprung in den Rhein dahinunter machen. Ey, sagte die Jungfrau lachend, der Rhein mag mich holen. Bey diesen Worten warf sie die Bernsteinschnur in den Strom hinab und sang mit schauerlichem Ton :
Vater, geschwind, geschwind,
Die weissen Rosse schick’ deinem Kind,
Es will reiten mit Wogen und Wind !
Urplötzlich rauschte ein Sturm daher, der Rhein erbrauste, dass weitum Ufer und Höhen vom weissen Gescht bedeckt wurden, zwey Wellen, welche fast die Gestalt von zwey weissen Rossen hatten, flogen mit Blitzeschnelle, aus der Tiefe auf die Kuppe des Felsens , und trugen die Jungfrau hinab in den Strom, wo sie verschwand.
Jetzt erst erkannten der Hauptmann und seine Knechte , dass die Jungfrau eine Undine sey, und menschliche Gewalt ihr nichts anhaben koenne. Sie fehrten mit der Nachricht zu dem Pfalzgrafen zurück, und fanden dort, mit Erstaunen, den todtgeglaubten Sohn, den eine Welle ans Ufer getragen hatte.
Die Lurleyjungfrau liess sich von der Zeit an nicht wieder hoeren, ob sie gleich noch ferner den Berg bewohnte , und die Vorüberschiffenden durch das laute Nachäffen ihren Reden neckte.
Texte source : « Die Jungfrau auf dem Lurley », 16 in « Sagen aus der Gegenden des Rheines und des Schwarzwaldes », Aloys Schreiber, circa 1829.
Traduction française et transcription germanique : Benoit Rêveur, 2018
Les pages du livre ancien sont consultables ici https://books.google.fr/books?id=cIAAAAAAcAAJ&pg=PA72&lpg=PA72&dq=sagen+aus+der+Gegenden+des+rheins+scheiber+jungfrau+lurley&source=bl&ots=An7BmY2mDU&sig=FV0H2gX-wnq95zR-cHRgjGmMyLw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjYor_hgKreAhWPxIUKHXEYCM4Q6AEwAXoECAcQAQ#v=onepage&q=sagen%20aus%20der%20Gegenden%20des%20rheins%20scheiber%20jungfrau%20lurley&f=false
Ci-dessous vous trouverez en illustration Die Lorelei, de Carl Joseph Begas