Bienvenu(e)s sur ce blog dédié aux mythes, contes et légendes classiques mais aussi à la fantasy et à la science-fiction (notamment contes de SF et suites futuristes de légendes, dans mon livre "Les mémoires du Galaxytime").
Diverses histoires légendaires sont rattachées à ce monument. Parmi ces dernières, on peut notamment mentionner la créature sirène qui entretient visiblement un lien très fort avec cette forteresse. La sirène/seraine du fort La Latte fut brièvement évoquée dans l’article précédent en juillet dernier http://www.benoitreveur.info/2018/07/legendes-du-fort-la-latte.html . Nous détaillerons un peu plus à son sujet dans les lignes qui vont suivre.
La baie de la Fresnaye (entre Plévenon et Saint Cast) se trouvant non loin du fort, peut-on voir une similitude entre le conte rapporté sous le titre « la sirène de la Fresnaye » (in « Contes de terre et de mer, -légendes de Haute-Bretagne », Sébillot, circa 1883) et la « seraine » du fort La Latte/château de la roche Goyon ? Sébillot indique que ce récit de la Fresnaye fut (ra)conté en 1880 par Rose Renaud de Saint Cast, alors âgée de 60 ans, épouse du pêcheur Etienne Piron.
En outre Sébillot (dans « Le folklore de France, la mer et les eaux douces », circa 1904-1905) mentionne un banc sablonneux « des collets du château » qu’il semble situer dans les environs de Saint Cast le Guildo (commune voisine de Plévenon). Peut-il s’agir du château de la roche Goyon ou de celui du Guildo ou encore de celui (disparu) de Pléboulle ou d’un autre ? Quoi qu’il en soit, l’auteur raconte que dans ce mystérieux endroit un pécheur trouva un jour une sirène dont la queue portait un anneau d’or. Lorsqu’il le lui enleva, la transformation prit fin (ce qui semble sous-entendre qu’elle redevint femme humaine). Mais son geôlier dragon ressentit une vive colère en constatant son évasion. Le monstre la chercha partout et s’amuse donc désormais à agiter la mer, notamment quand il remarque la présence de bateaux.
Le « menhir » voisin de ces fortifications reste souvent surnommé « doigt de Gargantua » (Cf article précédent publié en juillet dernier sur ce blog, lien web ci-dessus). Il est parfois considéré comme le bâton du géant rabelaisien. Dans un ouvrage sur la littérature orale de Haute-Bretagne, Paul Sébillot écrit ceci : « En plusieurs endroits, notamment à Plévenon, on montre le lieu d’où il s’élança pour se rendre à Jersey. Une pierre haute d’environ trois mètres, qui se trouve à côté du fort La Latte en Plévenon, se nomme le bâton de Gargantua, c’est vraisemblablement un menhir, il est enfoncé dans un gros rocher qui lui sert de piédestal et dont l’un des côtés est orné d’un bas-relief grossier, représentant une croix qui surmonte une sorte d’autel, sur le dessus de la pierre est sculptée l’empreinte d’un soulier long de 60 centimètres environ, pointu par le bout comme les souliers de fer des chevaliers et à côté est gravé le bout d’un canne carrée.» (P.Sébillot in « Littérature orale de Haute-Bretagne », S III ‘Gargantua en Haute -Bretagne ‘, page 33, année 1881). Par ailleurs Sébillot semblait comparer le bâton de Gargantua à celui de Jean de l’ours.
Dans un ouvrage de Sébillot sur la tradition de Gargantua (cf biblio en fin d’article), on apprend que selon M-E de la Chenelière, ce mégalithe correspondrait à la canne du géant depuis l’épisode suivant : arrivé sur le rocher plat (servant d’actuel socle à la grande pierre) le gigantesque bonhomme fit un grand effort dans l’intention de bondir jusqu’aux îles Chausey. La roche porte toujours les traces du poids de la flexion car on y voit l’empreinte de ses pieds et car sa canne ploya et se brisa en laissant un morceau planté dans le roc.
En outre ce mégalithe semble également parfois représenter la dent, la canne ou même le sexe de Gargantua. C’est expliqué dans l’ouvrage de Mozzani (cf biblio ci-dessous). On peut y lire que la variante pénienne de la légende proviendrait d’une époque plus récente. N’est-il pas logique de voir une telle évolution des vraisemblables connotations phalliques véhiculées par certaines images légendaires (bâton, doigt, aiguille) liées à ce menhir ?
Le « Dictionnaire de la France merveilleuse « (par M.C Delmas, cf biblio ci-dessous) indique que ce mégalithe parfois surnommé « aiguille de Gargantua » abriterait, pour les uns, la tombe du géant et, selon les autres, constituerait le bâton que ce légendaire bonhomme aurait planté dans le sol en voulant enjamber la mer.
Comme nous l’avons évoqué dans l’article blog précédent, cette pierre répond parfois au nom d’« aiguille du guerrier » : doit-on forcément voir dans cette dénomination une allusion plus ou moins claire au héros rabelaisien ? Pourrait-il aussi s’agir d’un guerrier dans une éventuelle vieille légende locale plus ou moins oubliée probablement antérieure au fameux géant ?
Par ailleurs Sébillot (page 34 dans l’ouvrage de littérature orale de Haute-Bretagne mentionné ci-dessus) explique qu’un menhir à Saint Suliac porte également le surnom de « dent de Gargantua ».
On entend aussi parfois que dans le parc de La Latte non loin de ce menhir les pieds ou sabots du géant auraient laissé leur trace dans la roche.
Ce héros cher à Rabelais présente bien des liens avec le folklore de la région.
Gargantua fait l’objet de nombreuses légendes vers Fréhel et la baie de la Fresnaye. Dans un ouvrage de Sébillot (« Gargantua dans les traditions populaires »,1883) il est expliqué que ce célèbre colosse naquit à Plévenon. Ce récit des premières années du géant fut conté en 1880 par Rose Renaud de Saint Cast, qui le tenait de Rachel Quémat, épouse Durand, elle aussi de Saint Cast. Rose Renaud (ra)conta également que Gargantua laissa ses sabots aux gens de Plévenon et qu’il avala des navires dans la côte de cette région. Ce même livre nous révèle qu’en 1880, François Marquer (un mousse de Saint Cast alors âgé de 13 ans) expliqua que le fameux géant aurait un jour posé un pied sur le fort La Latte et l’autre pied sur Saint Malo et, penché pour se désaltérer, aurait avalé un navire de guerre. Marquer décrit une légende dans laquelle Gargantua, en revenant à Plévenon, donna ses sabots aux gens et planta sa canne non loin de la forteresse. On peut aussi y (in « Gargantua dans les traditions populaires », Sébillot,1883) lire le récit de 1880 dans lequel Marie Marquer (de Saint Cast, alors âgée de 48 ans) relate elle aussi la légendaire naissance du géant à Plévenon et dit qu’il avala des navires. Elle raconte qu’il déboisa une forêt près du fort et laissa une trace dans la roche de son coup de pied après avoir planté son bâton. Elle précise que le gigantesque bonhomme mourut trois jours plus tard. Sébillot semble suggérer que cette déforestation effectuée par Gargantua peut renvoyer à une submersion de la forêt de Scissy. Rose Renaud (cf ci-dessus) explique justement que Gargantua aurait rasé toute la forêt allant autrefois de la baie de la Fresnaye jusqu’à la forteresse de La Latte.
Comme vous le savez le fort La Latte répond également au nom de château de la roche Goyon. Sébillot (dans « le folklore de France, la mer ») donne plus d’une explication légendaire à l’existence de la faille faisant passer la mer entre ce roc fortifié et le continent. Il écrit d’abord qu’elle fut créée par un coup de pied donné par Gargantua, peu de temps après avoir planté son bâton en terre dans les environs. Il explique ensuite que selon une autre version, un jeune homme de Plévenon poignarda une « seraine ». Cette dernière avait voulu le toucher afin de l’emmener dans son palais magique. Elle redevint princesse humaine quand elle commença à saigner. La libération de ses prisonniers eut lieu au même moment. Elle monta sur une falaise avec eux et avec le jeune homme. L’auteur poursuit en indiquant qu’à l’emplacement correspondant désormais au deuxième pont-levis il y eut alors une rupture du morceau de terre reliant la roche au continent par une opération semblable à une coupure avec un énorme couteau et les flots rentrèrent dans la brèche.
En 1882, François Marquer (in « Gargantua dans les traditions populaires », Sébillot,1883) avait 15 ans et expliqua que Gargantua se rendit au fort la Latte et donna un coup de pied dans un gros roc, le choc décolla cette roche qui se retrouva séparée du continent. Le rocher fut nommé la Latte. Dans ce même ouvrage on apprend que cet épisode du géant peut renvoyer à l’épisode mythologique dans lequel Hercule aurait séparé l’Europe de l’Afrique en ouvrant la terre en deux. Marquer (ra)conta aussi la même année une autre histoire concernant le rocher de la Latte. Il tenait de Rose Renaud le récit suivant : Gargantua aurait avalé des cailloux qu’il a ensuite vomis ; ce sont des îles, dont la roche de La Latte.
L’article précédent à évoqué la légende liée aux premières ébauches de la forteresse. En revanche sa construction officielle remonte au 14ème siècle. Concernant la dimension historique de cet édifice, vous trouverez de plus amples renseignements sur ce site https://www.castlelalatte.com/index.php/histoire/
Il y aurait sans doute d’autres choses à mentionner, mais voilà pour le moment. Cet article comporte sans doute son lot de possibles erreurs, omissions et/ou imprécisions.
Article écrit par Benoit Rêveur, été 2018
Bibliographie :
Paul Sébillot : « Littérature orale de Haute Bretagne », « Contes de la terre et de la mer- légendes de Haute-Bretagne « , « Le folklore de France, la mer et les eaux douces », « Gargantua dans les traditions populaires »(1883)
« Légendes et mystères des régions de France », Eloise Mozzani, ed. Bouquins, 2015
« Dictionnaire de la France merveilleuse » Marie-Charlotte Delmas, ed, Omnibus
En illustration ci-dessous une vidéo du fort La Latte (venant de la chaine youtube officielle « des racines et des ailes » : un reportage de l’émission au sujet de ce château):
https://www.youtube.com/watch?v=dLuQkpiLXRM