Bienvenu(e)s sur ce blog dédié aux mythes, contes et légendes classiques mais aussi à la fantasy et à la science-fiction (notamment contes de SF et suites futuristes de légendes, dans mon livre "Les mémoires du Galaxytime").
Le dragon est un peu la superstar des créatures fantastiques. Tous les pays du monde possèdent leurs propres légendes de dragon.
J’avais parlé Ici (http://www.benoitreveur.info/article-ryujin-le-roi-dragon-97745636.html) d’un des dragons japonais.
Cette fois-ci, mon article va traiter uniquement du dragon d’Europe.
Selon les époques et les régions, il peut y avoir des variantes. Je ne parle même pas des créatures dérivées du dragon (graoully, vouivre, Gargouille, coulobre, etc…). D’aucuns pourraient trouver que le dragon est une créature « bateau », tant il existe un tas d’autres monstres divers. Pourtant le dragon, continuant d’être à la mode dans la fantasy moderne et au cinéma, ne semble pas prêt de se trouver en « voie de ringardisation »….
Je vais me limiter à quelques généralités sur les dragons européens.
Caractéristiques
Parmi les constantes des dragons d'Europe on trouve : corps de serpent, ailes de chauve-souris, pouvoir de cracher du feu, attaques avec ses grandes dents et ses longues griffes, sa queue peut étouffer ou écraser ses ennemis. Selon certaines légendes posséder en relique une partie du corps d’un dragon donnerait à son porteur une partie des pouvoirs du dragon. Pline disait que le foie du dragon aidait à guérir les piqûres de scorpions. La queue du dragon soignerait l’épilepsie et pourrait rendre invincible ou presque. La graisse de dragon séchée au soleil guérirait les plaies récentes. (source : Aimeric Vacher dans « monstres, bréviaire des créatures légendaires ou fantastiques » éditions Dilecta).
J ‘ignore si le dragon mésopotamien accompagnant Marduk est plus ancien ou plus récent que les quelques dragons trouvables par endroits dans la mythologie grecque. Je fais ici l’impasse sur le dragon celte, faute de temps pour me pencher sur le sujet.
Je ne prétends pas lister tous les dragons de la mythologie grecque, je fais donc abstraction des serpents et autres hydres de Grèce que la littérature a progressivement transformés en dragons. Il me reste alors parmi les plus flagrants :
-le dragon/serpent du mythe grec de Cadmos : portant une crête sur la tête, de puissantes et dangereuses écailles, il crache un gaz dangereux (et comme Jason, Cadmos sema des dents de dragon et sortirent immédiatement du sol des soldats se battant entre eux).
la magicienne Médée qui se rend à Athènes sur un char tracté par deux dragons ailés
En revanche, Ladon, le dragon/serpent du jardin des hespérides est parfois représenté avec une ou plusieurs têtes (quand Heraclès le tua , Héra changea Ladon en constellation du dragon)
LE dragon BIBLIQUE
Voici ce que j’avais écrit dans mon article sur Atalante lors d’une comparaison entre jardin d’Eden et Jardin des hespérides : - dans le mythe biblique, on trouve une pomme et un serpent. IL s’agit en fait d’un ancien dragon privé de ses pattes car ayant tenté Adam et Eve, sa punition fut de se faire couper pattes et ailes par les anges ( source : « contes et légendes de la Bible », Michèle Kahn).
Doit-on y voir la raison pour laquelle dans les bestiaires médiévaux chrétiens le terme « serpent » s’interchange souvent avec celui de « dragon » ?
Cette figure biblique du dragon servira souvent de modèle au dragon médiéval chrétien, puisque ce serpent/dragon fut acteur et incitateur du « péché originel ».
Le dragon médiéval
Au moyen age chrétien
Dans l’Europe chrétienne le dragon est une créature du diable. Le dragon crache du feu, possède des ailes de chauve souris. Et souvent il vit près d’un lac (ou étang ) en rançonnant les villageois moyennant la livraison d’une jeune fille vierge
Mais les dragons médiévaux européens aiment également souvent garder un trésor au fond de leur antre (grotte, château abandonné etc..), reprenant ainsi certaines figure des dragons plus anciens…
Je vais citer quelques uns des plus célèbres dragons médievaux :
- celui que dut rencontrer Tristan dans « Tristan et Yseut »
le dragon qui fut vaincu par Saint Georges » :
dans « la légende dorée » (13ème siècle) Jacques de Voragine réadapte cette vieille légende se déroulant en Lybie dans l’antiquité. Il s’agit d’un dragon vivant près d’un lac , il terrorise la population et exige deux moutons ou deux jeunes filles par jour. Saint Georges arrive le jour où la princesse doit être livrée au dragon. Finalement Saint Georges tue le dragon avec sa lance (cet archétype est partiellement présent dans la légende du « dragon de Villedieu » ou dans le film « le dragon du lac de feu », entre autres exemples).
- Saint Marcel tua le dragon de Paris
Quelques autres sauroctones (tueurs ou dompteurs de dragons et reptiles) sur ce lien : http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_saints_sauroctones
Toutefois le dragon biblique n’est pas le seul modèle de dragon médiéval : il conviendrait aussi de citer les dragons de la mythologie germano-scandinave, dont le plus célèbre est sans doute Fafnir. En tuant Fafnir , Siegfried/Sigurd boit son sang et devient capable de comprendre le langage des oiseaux. A la base Fafnir était une créature humanoîde ensuite changée en dragon pour garder un trésor qu’il se disputait avec son frère. La légende de Wolfdietrich (voir articles précédents) ressemble en partie au mythe de Siegfried contre Fafnir.
Dans la fantasy
Je ne vois pas un seul jeu de rôles « fantasy » qui n’aurait pas ses dragons. On a souvent en tête l’image médiévale chrétienne du dragon rouge ou doré ou encore celle du dragon gardant un trésor.
Ces deux images médievales types furent reprises par Tolkien dans le cultissime « Bilbo le hobbit » (en VO « the hobbit »): Le craintif et maladroit Bilbo (aka Bilbon Sacquet) ne savait pas ce qu’il vivrait, mais il connaissait l’étape ultime de sa quête : rendre aux nains leur trésor qui a été volé par le dragon Smaug…. (dès le début Gandalf lui avait dit qu’il ne serait plus jamais le même , du moins dans le cas ou il reviendrait vivant de cette aventure).
La scène clé de Bilbon Sacquet face a Smaug (version dessin animé des années 70 ou 80 )
Le film « le hobbit « (par Peter Jackson ) sortira en décembre prochain (je suis impatient de voir si le réalisateur fera honneur à Bilbo et Gandalf et je pense que la scène avec Smaug est très attendue par les fans, tout comme la première rencontre avec Golum….)
A ma connaissance , Smaug constitue la plus ancienne représentation de dragon dans le genre fantasy et a probablement servi de modèle à bien d’autres œuvres ultérieures de fantasy….
Je tenais ici a citer ceux du dessin animé « le vol du dragon « ou encore
le dessin animé « le sourire du dragon « (adaptation télévisuelle du jeu « donjons et dragons »).
-Dans le film « le règne du feu » (2002 ou 2003) les dragons sont en quelque sorte des lances flammes volants avec des griffes, pas grand chose de plus, mais au moins le film revisite les dragons à la sauce high tech
dans le jeux de rôles « rêve de dragon » les dragons rêvent et façonnent les univers/rêves ou vivent les personnages, mais depuis les « grands cataclysmes » plus personne n’a vu de dragons. Quand plusieurs dragons cessent simultanément de rêver , cela provoque un « cataclysme universel/rupture de rêve. Cet univers n’ayant pas de dieux à proprement parler, les dragons de par leur position et leurs connaissances remplissent plus ou moins ce rôle
-Plus récemment il semblerait que se faire brûler par un dragon puisse consituer une bénédiction : dans le film » rencontre avec le dragon » (2003) le personnage principal est investi de pouvoirs hors du commun depuis qu’il a été touché par les flammes d’un dragon.
Certains dragons de fantasy peuvent servir de destrier (par exemple dans « Tygra la glace et le feu », dans « Blackstar » ou plus récemment dans « Eragon »).
Je vous épargne la liste de tous les dragons de fantasy, elle serait trop longue.
Symbolique
Le dragon médiéval européen est très souvent assimilé au mal , au diable (probablement en raison du mythe biblique). Pourtant c’est plus compliqué qu’il n’y paraît :
Certains chevaliers et seigneurs portaient sur leur blason un dragon car en héraldique ce dernier signifie la force et le courage, parfois même le « bien » ». Force et courage n’étant ni bons ni mauvais en eux-mêmes, tout dépend de l’usage qui en est fait.
Dans l’excellent film « Excalibur » (de John Boorman , 1981), on entend souvent parler de dragon mais on ne le voit jamais, il semble alors désigner une sorte de force tellurique. (Certains semblent justement considérer que le dragon serait un symbole des forces de la terre, selon certains concepts ésoteriques celtiques, j’avoue ne pas avoir creusé la question).
Dans son bestiaire récent, Josy Marty Dufaut explique que cette idée des dragons sous la terre se trouve dans les premières légendes arthuriennes évoquant Uther Pendragon : deux dragons vivent sous le château et se livrent une lutte symbolisant celle qu’Uther devra mener contre son frère félon.
Comme évoqué plus haut, dragon et serpents médiévaux sont très souvent synonymes. D’ailleurs le bestiaire Physiologos évoque les « 4 natures du serpent ». La 4ème nature étant (je résume) offrir son corps au danger tout en protégeant sa tête. Arnaud Zucker, dans son commentaire du physiologos explique justement que cela symbolise le conflit de l’homme entre son corps et son esprit… On retrouve donc ici aussi la thématique de la lutte pour la maîtrise de soi (ou la lutte contre ses propres « démons intérieurs ») qui semble fréquente dans les combats contre des dragons.
Dans « Yvain ou le chevalier au Lion » (écrit au moyen age par Chrétien de Troyes), une des étapes du cheminement initiatique d’Yvain est lorsqu’il doit prendre position dans le combat entre lion et dragon, Yvain livrant alors un combat capital contre lui-même (telle est l’interprétation expliquée dans l’ouvrage de Josy Marty Dufaut : Yvain semblant devoir choisir la manière dont il utilisera sa force son courage , etc… ).
On entend souvent l’idée selon laquelle seule une personne « vertueuse » pourrait vaincre un dragon. Le physiologos écrit : « voici la troisième nature du serpent. Lorsqu’il aperçoit un homme nu il prend peur et se détourne, mais s’il l’aperçoit tout habillé il s’élance sur lui ». Dans son commentaire du Physiologos , Arnaud Zucker explique que cet « homme nu » représente l’homme au cœur pur (en gros à l’âme « dépouillée »). Cette idée est également présente parfois dans les histoires de vouivre (cf : http://www.benoitreveur.info/article-32559019.html) .
DRAC ET DRAGON
D’aucuns pensent que le Drac (voir http://www.benoitreveur.info/article-le-retour-du-drac-107327621.html) serait une sorte de dragon, (argumentant que Drac et Dragon ont la même étymologie) mais wikipédia vous l’expliquera mieux que moi….
Sources
Chretien de Troyes « Yvain ou le chevalier au lion »
Physiologos (anonyme)
Josy marty dufaut « les animaux du moyen age Réels et mythiques ».
Aymeric Vacher « monstres, bréviaire des créatures légendaires ou fantastiques »
Contes et légendes de la Bible (Michèle Kahn)
Mythologie grecque (ouvrages cités dans mes autres articles)