Bienvenu(e)s sur ce blog dédié aux mythes, contes et légendes classiques mais aussi à la fantasy et à la science-fiction (notamment contes de SF et suites futuristes de légendes, dans mon livre "Les mémoires du Galaxytime").
Cadmos est un héros méconnu de la mythologie grecque. Ce mythe d’origine phénicienne a influencé la création de ce mythe grec.
VERSION GRECQUE
Cadmos (parfois nommé « Thasos ») est fils du roi phénicien Agénor et , selon les uns de Téléphassa, selon les autres sa mère serait Argiopé.
Agénor dit à Cadmos d’aller délivrer sa sœur Europe (kidnappée par Zeus, et, je crois, emmenée en Crète mais en fait Appolodore nous apprend qu’elle avait été enlevée par un taureau et tous les enfants d’Agénor et pas seulement Cadmos étaient chargés de retrouver Europe). les recherches de Cadmos s’avérant vaines, ce dernier se rend à Delphes pour demander conseil à l’oracle d’Apollon. Cadmos suivra donc le conseil de l’Oracle : suivre une vache portant sur ses flancs un disque ressemblant à la lune et fonder une ville là ou la bestiole se posera. Il trouvera cette vache en Phocyde et il la suivit jusqu’en Béotie, ainsi fut créée la ville de Thèbes (en s’inspirant de la Thèbes d’Egypte et Commelin explique que cette ville fut tout d’abord nommée la Cadmée).
Cadmos et ses compagnons voulaient sacrifier le bovin à Zeus, pour accomplir le rituel ils allèrent chercher de l’eau dans un bois dédié à Arès et tombèrent sur une source au bord de la laquelle se tenait une caverne. Un dragon (fils de Mars/Arès et Vénus/Aphrodite) sortit de cette cavité. Ce monstre possédait une crête de couleur dorée et ses yeux semblaient lancer de la foudre. Il possédait trois rangées de crocs et sa langue avait trous fourches (comme trois langues de serpent qui seraient juxtaposées). Le monstre cracha un gaz empoisonné sur les compagnons de Cadmos, les étrangla comme le ferait un boa constrictor et les dévora un à un.
Cadmos ne se trouvait pas sur les lieux et commençait à trouver leur escapade longuette. Il décida donc de suivre leurs traces de pas afin de voir si tout allait bien pour eux. Il tomba nez-à nez avec le dragon. Cadmos sortit victorieux du combat et tua le dragon (selon les versions : avec un javelot et une pierre blanche ou , selon d’autres, avec un glaive et un bloc de marbre). C’est alors que surgit Athéna (La version d’Appolodore précise qu’Athéna fit ainsi pour venir en aide à Cadmos qui , seul, ne parviendrait pas à fonder une ville), elle lui dit de labourer la terre et d’y semer les dents du dragon. Ces « graines improvisées » se transformèrent en hommes armés qui surgirent de terre (dans la version du dico de Joel Schmidt ces guerriers sont en fait des géants) et , se croyant ennemis les uns des autres, commencèrent à se battre en eux à mort en laissant Cadmos à l’écart de cette bataille. Un des 5 seuls survivants de ce combat se nommait Echion et proposa de cesser les hostilités. Ces 5 soldats sortis de terre aidèrent donc Cadmos à fonder Thèbes dont Cadmos devint le roi (dans la version d’Appolodore, c’est Cadmos qui a persuadé ces 5 guerriers de lui venir en aide pour fonder une ville).
Ensuite Cadmos épousa Harmonie/Hermione qui était , selon les versions soit fille d’Arès et D’Aphrodite Soit fille de Zeus et d’Electre. Tous les dieux étaient invités au banquet. 0 ce moment Cadmos offrit 0 son épouse le péplos que lui avait donné Héphaistos (Vulcain chez les romains). Hermione et Cadmos eurent plusieurs enfants : Polydore, Autonoé, Ino, Sémelé, Agavé. Lors des noces, Aphrodite donna à Hermione un talisman qui allait porter malheur aux générations suivantes (ce qui fut le cas pour toutes les filles de Cadmos et Hermione). Dans la version relatée par Commelin, Mars voulait se venger d’une infidélité de Vénus et donna ainsi à Hermione un vêtement portant toute sorte de crimes, et ainsi les enfants d’Hermione et Cadmos commirent des méfaits qui les vouèrent au malheur.
Cadmos était vénéré par les lybiens comme le fondateur de cent villes. Puis un jour un oracle annonce à Cadmos un malheur planant sur ses enfants. Il se demande si ce n’est pas les dieux, plus particulièrement Arès (dans la version relatée par Belfiore), qui ne chercherai(en)t pas à venger la mort du dragon/serpent. Cadmos dit alors que si tel est le cas , il préfère se voir changer en serpent. Aussi dit aussitôt fait : Cadmos fut ainsi métamorphosé en serpent. Hermione , témoin impuissant de cette scène supplia les dieux d’être à son tour changée en serpent, ce qui fut exaucé…. Les deux nouveaux serpents vécurent ensemble dans la forêt. Toutefois après leur mort ils furent acceptés aux Champs-Elysées Cadmos de son vivant était globalement considéré comme un roi sage et juste).
Il existe aussi un vase grec représentant Cadmos comme un homme ailé à queue de serpent, probablement en souvenir du dragon qu’il a tué.
Impact culturel du mythe :
Cadmos illustre clairement l’influence de la civilisation phénicienne sur celle grecque antique. Autant Hercule constitue le héros bucolique qui permet à l’homme de découvrir des techniques lui permettant d’utiliser la nature à son avantage (irrigation, élevage, etc..), d’aucuns expliquent que le mythe de Cadmos semble symboliser l’arrivée de l’écriture dans la Grèce antique.
Dieux, enjeux et symboliques :
Concernant les versions faisant d’Hermione/Harmonie la fille d’Arès (le conflit et les diverses formes d’agressivité) et d’Aphrodite (la beauté, l’érotisme les forces créatrices de vie), il me semble important de noter qu’elle est donc sœur de Deimos (la terreur) , d’Eros (l’amour), de Phobos (la crainte au sens large et la peur de mourir) , d’Antéros (attraction et répulsion), etc…
Inutile de rappeler la célèbre opposition existant de toute manière entre Arès (père d’Hermione ) et Athéna. Bien entendu ce passage avec les dents du dragon donnant naissance à des guerriers s’entretuant se retrouvera plus tard dans le mythe de Jason et la toison d’or. Certains expliquent qu’Athéna donna 50 % des dents du dragon à Cadmos et garda les 50 autres pourcent pour Jason. Athéna avait-elle des intérêts personnels dans la réussite ou l’échec de la quête de Cadmos ? Cherchait-elle à ridiculiser une fois de plus Arès mais cette fois par l’intermédiaire du gendre de ce dernier ? (Arès Symbolisant la fureur belliqueuse et Athéna les qualités du fin stratège guerrier, ce n’est pas une découverte , elle se plaisait à jouer de malins tours à Arès dès qu’elle en avait l’occasion).
Ce passage des dents de dragon qui servent de graine donnant naissance à des guerriers me semble pouvoir symboliser l’arrivée de l’agriculture puis des forces militaires dans les civilisations humaines, activités de survie qui sont probablement arrivées après celles de la chasse, cueillette et élevage. En revanche quand wikipedia affirme que Cadmos symbolise l’arrivée de l’écriture (car Hérodote attribue à Cadmos l’introduction de l’alphabet en Grèce), cela manque de nuance car le dico de Belfiore explique clairement que :
Soit Cadmos aurait introduit l’alphabet phénicien en Grèce après avoir volé cette invention à linos (que Cadmos aurait tué au passage).
Soit Cadmos aurait inventé l’alphabet grec en traçant des hiéroglyphes (piquées à celles des égyptiens ? le nouveau Larousse ne le précise pas , dommage..) .
Donc Cadmos n’est pas forcément le héros mythologique ayant inventé l’écriture.
Commelin explique que Cadmos apporta aussi en Gréce le culte d’autres dieux phéniciens tandis qu’Hermione apporta l’art en Grèce.
On sent le jeu subtil entre amour et conflit dans ce mythe, mais je crois que le passage des soldats sortis de terre peut comporter une éthique en soulevant des questions du type : comment ne pas se tromper d’ennemi ? comment être certain que le conflit est inévitable ? Quel est le but de cet éventuel conflit ? y existe-il un message du type » si tu veux la paix durable dans Thèbes sois déjà prêt à faire la guerre « ? Il me semble clair que ces guerriers sortis de terre ont finalement préféré construire ensemble et s’entraider plutôt que s’entretuer au noms de leurs intérêts personnels. En termes modernes et économiques on dirait sans doute que cela montre la supériorité de l’émulation sur la compétition.
analyse de la fin du héros :
Cadmos et Hermione connaissent uNE fin relativement tragique, comme bien des héros mythologiques. On peut trouver cela dommage ou injuste…. Mais c’est pourtant volontairement voulu si ces récits terminent ainsi : Marie Louise Von Frantz (ancienne assistante du psychnalyste CG Jung) explique que les héros de mythe ou légende ont pour fonction symbolique d’aider l’humain à gérer certains passages difficiles dans sa psyché, rien de plus. Mais l’homme ne doit surtout pas s’identifier à ce héros qu’il n’est pas, ce héros reste un moyen transitoire…. C’est pourquoi la fin tragique des héros servirait à empêcher l’identification du lecteur au héros et permettrait ainsi de le faire échapper à la fin tragique du héros (cette fin tragique représentant l’inéluctable conséquence de la démesure dans laquelle les héros baignent constamment). En quelque sorte cette fin tragique typique de bien des héros mythologiques sert à ce que l’homme reste conscient de ses propres limites. (source « les modèles archétypiques dans les contes de fées « , par Marie Louise von Frantz).
Concernant le fait que les deux époux finissent par se rejoindre dans cette fin (jugée tragique par les uns, mais les autres estiment que la métamorphose en serpent reste un honneur qui leur fut concédé), il y existerait sans doute un tas de choses à dire sur l’archétype des deux époux ou amants se rejoignant dans une fin tragique. Cet archétype est justement présent dans le mythe grec d’Atalante (cf anciens articles du blog) mais aussi dans le mythe de Pyrame et Thisbé ( qui a très vraisemblablement inspiré « Tristan et Yseut » ainsi que « Roméo et Juliette »). Edith Hamilton explique que la fin de Cadmos et Hermione illustre la souffrance injuste que les personnes innocentes peuvent elles aussi subir.
Parmi les lointains descendants de Cadmos, il y a le célèbre Œdipe.
Voilà du moins mes impressions (il se peut que je sois à coté de la plaque dans cette tentative de décryptage et il reste sans doute d’autres choses à dire sur ce mythe)
Sources :
« Grand dictionnaire de la mythologie grecque et romaine » Jean –claude Belfiore (éditions Larousse.
« les modèles archétypiques dans les contes de fées « Marie Louise von Frantz
« dictionnaire de mythologie grecque et romaine » (Joel schmidt)
« La mythologie » (Edith Hamilton, pour la version d’Appolodore)
« mythologie grecque et romaine » (Commelin)