Bienvenu(e)s sur ce blog dédié aux mythes, contes et légendes classiques mais aussi à la fantasy et à la science-fiction (notamment contes de SF et suites futuristes de légendes, dans mon livre "Les mémoires du Galaxytime").
Le drac, créature aquatique, avait été brièvement présenté dans un vieil article aux débuts du blog (ici http://benoitreveur.over-blog.com/article-34232059.html).
DRACS LOCAUX D’EAU DOUCE
Cet article traitera uniquement des dracs de la région Languedoc-Roussillon.
Certains leur prêtent une apparence draconique, on pense souvent à un mélange entre l’humanoïde et le dragon (puisque le drac est lié au diable, certains pensent même qu’il serait le fils du diable).
On entend ça et là des descriptions de drac ressemblant à un très grand chien ou encore à un âne de grande taille.
En tous cas, ces dracs locaux peuvent marcher sur la terre ferme, devenir invisibles quand ils le souhaitent ou prendre une apparence humaine pour se fondre dans la foule en pleine ville et repérer de nouvelles proies à séduire. Les dracs de cette région semblent aussi posséder des formes d’hybrides divers.
Les dracs aiment tendre des leurres pour piéger leur proies : de l’or pour les adultes, des bonbons pour les enfants, le drac caché plus loin dans l’eau observe ainsi sa proie avant de lui tomber dessus… (le drac étant aux ordres du diable, il est donc logique que la créature des eaux lui aussi fasse miroiter telle ou telle chose à ses futures victimes)
Certaines rumeurs attribuent au drac le pouvoir de provoquer la crue des rivières. Parfois les dracs sont considérés comme des sortes de lutins farceurs aquatiques.
Parmi Les dracs de Languedoc-Roussilon, je ne reviendrai pas sur les dracs marins (évoqués dans le précédent article). Mais le fait de posséder un palais subaquatique, de séduire et kidnapper ses proies existe également chez les dracs languedoco-rousillonnais d’eau douce.
Ces dracs sont aussi de grands farceurs, aimant décrocher sous l’eau les appâts des hameçons des pêcheurs, ou aimant chiper des grappes sur les terres des vignerons , à leur insu. C’est bien pour ça que les vignerons et agriculteurs de la région gardaient toujours une part de leur récolte qu’ils laissaient dans un coin en évidence : le drac venait prendre son du, et se serait servi directement sur leur plantation si les paysans ne lui avaient pas donné son tribut)…. Leur pouvoir d’invisibilité leur facilite bien les choses quand il s’agit d’aller jouer un mauvais tour aux humains.
(biblio: wikipédia, les ouvrages de N.Lazzarini et C. Seignolle sur les légendes du Languedoc Roussillon)
Il existe aussi des histoires méconnues de saint et saintes combattant le drac.
SAINTE ENIMIE CONTRE LE DRAC
Parmi elles on peut noter la légende de Sainte Enimie , wikipédia explique :
« La légende dorée de sainte Énimie, patronne de la ville du même nom, en Lozère, dit que celle-ci eut à lutter contre un Drac, un dragon diabolique. »
Dans certaines versions sur Sainte Enimie, il semblerait qu’elle souffrait de lèpre puis se transforma temporairement en oiseau, elle accomplit un haut fait (le combat contre le drac ) et obtint ainsi la guérison. Selon d’autres versions sainte Enimie était accompagnée de Saint Yves, quand le drac ariva Enimie pleura tellement que Saint Yves fut réveillé, fit une croix en assemblant deux morceaux de bois et il tua le drac en le frappant avec ce symbole chrétien. Certains comparent Sainte Enimie à Sainte Marthe (cf articles sur la tarasque), car toutes deux ont vaincu un monstre des eaux avec leur symbole chretien et ont resuscité un mort. (source pour Sainte Enimie : bulletin de la société de mythologie française rédigé en 1967 par Henri Fromage)
Le drac le plus connu de la région est sans doute celui de Beaucaire, ville voisine de Tarascon (le drac peut équivaloir à la tarasque, mais on ne trouve pas d’équivalent de Sainte Marthe dans la version de Beaucaire)
LE DRAC DE BEAUCAIRE
Il fait l’objet d’une fête locale annuelle.
Ce drac là avait une famille qui vivait dans son palais situé dans les profondeurs du fleuve : une femme drac et des enfants Drac.
Souvent la chair de ses proies servait de repas. Le drac dépeçait ses victimes et conservait précieusement leur graisse : cela composait un onguent, secret de sa transformation.
Un jour il kidnappa une jeune lavandière dont il fit sa gouvernante, l’enfant drac ayant besoin d’une nounou. (il semblerait qu’il ait pour cela hypnotisé la lavandière) Ce fut 7 ans de bonne humeur pour cette femme qui finalement se plaisait bien dans la famille drac. (1) Au cours de ce séjour forcé, elle finit par repérer que le drac se passait cette pommade sur le corps à chaque fois qu’il voulait se transformer. Il demandait souvent à la nounou ,d’enduire régulièrement l’enfant drac de cette pommade, sans autre explication que le besoin de lui faire prendre de « bonnes habitudes » qu’il ne détaillait pas. . En cachette elle prit un peu de cette pommade et la garda précieusement, sans rien dire à la famille drac. Quand l’enfant drac eut 7 ans, la gouvernante fut libérée et put retourner chez les siens à beaucaire. Quelques temps plus tard, alors qu’elle se promenait au marché de Beaucaire, elle avait passé sur ses paupières le fameux extrait de pommade dérobée au Drac. Cela lui permit de voir que parmi les passant se trouvait… Le drac qui avait pris forme humaine (elle seule pouvait le détecter puisqu’elle avait les paupières pommadées, elle semblait aussi parvenir à le voir y compris quand il devenait invisible). Elle alla voir son ancien patron et le salua. Le drac comprit immédiatement qu’elle avait compris le secret de cette pommade…. Il l’attira dans une ruelle discrète et lui ôta définitivement la vue en lui plongeant ses doigts griffus dans les yeux….. elle ne pourrait plus ainsi reconnaître le drac parmi les passants.
La légende voudrait que ce drac ait finit par périr de vieillesse, mais il reste loisible d’imaginer que le « dracou » (l’enfant drac) ait repris le flambeau…
Je crois que pour le drac de beaucaire il existe probablement toute une symbolique sur les thèmes du regard et des apparences.
Je crois que le drac illustre parfaitement sa nature diabolique quand il flatte l’envie ou la convoitise des gens pour les piéger. A ce sujet j’ai trouvé ceci:
" Trois interprétations mythologiques peuvent se proposer à ces légendes du drac aquatique
-interprétation en rapport avec la mort : Comme Charon, le drac est un passeur, et la traversée du fleuve (Styx, Achéron) est, symboliquement, le passage dans le monde des morts ou des esprits.
-interprétation naturaliste : le drac-cheval représente le danger des eaux en furie. Qui n’a pas entendu les guides du Mont saint-Michel comparer la vitesse de la marée montante à un « cheval au galop ». Et dans la mythologie classique, le cheval est bien sûr l’animal de Poséidon, l’irascible dieu des eaux.
-interprétation chrétienne : le drac est celui qui induit l’homme ou la femme en tentation pour la conduire à la damnation, et tente de le faire périr « sans confession ». "
source http://polymathe.over-blog.com/article-18638803-6.html
{C} notes:
(1) : la pommade avec la graisse des victimes concerne la version de Frédéric Mistral, dans la version 13ème siècle de Gervais de Tilbury , il s’agit de graisse d’un « gâteau de serpentaire » qui remplit la même fonction que cette pommade.
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