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Bienvenu(e)s sur ce blog dédié aux mythes, contes et légendes classiques mais aussi à la fantasy et à la science-fiction (notamment contes de SF et suites futuristes de légendes, dans mon livre "Les mémoires du Galaxytime").

Le mermécolion (ou fourmi-lion)

 

  Le mermécolion (fourmi géante à tête de lion)  venant de la mythologie de l’Inde a été repris et adapté par l’antiquité greco-romaine puis par l’Europe médiévale. Certains auteurs situent le mermécolion sur une île de la Mer Rouge. Le Mahabaratha hindouiste et la Septante chrétienne, tous deux ouvrages religieux fondateurs/majeurs,  évoquent le mermécolion qui pourtant reste une créature méconnue de nos jours. Cet article va tenter de présenter cette intéressante et atypique créature qu’est le mermécolion.

Caractéristiques

Ce fourmilion (mermécolion, parfois nommé « myrmidon ») est un hybride de fourmi grande comme un chien, avec une tête de lion. Cette créature possède l’appétit et la force du lion, mais un corps menu évoquant la fourmi. Là se tient tout le paradoxe du mermécolion qui est condamné à ne vivre que quelques jours : son appétit de lion le pousse à manger plein de viande, mais son corps menu en forme de fourmi ne parvient pas à tout digérer. C’est pourquoi divers auteurs expliquèrent que  le mermécolion meurt vite, faute de proies à dévorer. Le mermécolion est carnivore et c’est pourquoi les hommes de l’antiquité et du moyen-âge redoutaient cette créature. Le mermécolion se déplace très rapidement (comme les fourmis) et veille sur l’or qu’il a trouvé.


Evocations dans la littérature

Dans le Mahabaratha (écrit il y a 4200 ans)  nous trouvons la plus ancienne mention du mermécolion : ces créatures fourmi-lion sont décrites comme cherchant de l’or en creusant la terre. Deux-mille-deux cent ans après ,  Strabon (64 avant JC – 21 ou 25 après JC)  évoqua une fourmi-lion. Plus tard la Septante chrétienne (traduction grecque de la Bible) , mais aussi  Hérodote et Pline l’Ancien mentionnèrent cette créature. Le Physiologos, bestiaire anonyme chrétien écrit à la fin de l’antiquité a influencé nombre des bestiaires médiévaux chrétiens. Parmi les plus connus Gervais de Tillbury et Guillaume clerc     ont mentionné le mermécolion/fourmilion/myrmidon .

Le Physiologos , (version  première collection), intitule son chapitre 20 « le fourmi’lion «  il y est écrit entre autres :

« Le Physiologue a dit que le fourmi-lion a l’avant train d’un lion et l’arrière-train d’une fourmi. Son père est carnivore et sa mère granivore. Lorsqu’ils engendrent le fourmi-lion, ils l’engendrent avec deux natures, l’une qui est celle de son père et l’autre qui est celle de sa mère. Il ne peut donc pas manger de viande à cause de la nature de sa mère, ni de graines à cause de la nature de son père. Il meurt donc faute de nourriture.

Ainsi en est-il de tout homme à l’âme divisée, instable dans toutes ses voies. Il n’est pas beau de dire « non et oui «  ou « oui et non », mais que le oui soit oui et le non non ». (extrait tiré du Physiologos chapitre « fourmi-lion »).

Gervais de Tillbury décrit une chasse à l’or sur l’île des mermécolions : des humains débarquent sur l’ïle , ils offrent des chameaux en guise de leurre/appât pour les mermécolions, pendant que ces fourmilions dévorent les chameaux, les humains ont tout juste le temps d’aller voler l ‘or des mermécolions et  ensuite de remonter dans leur bateau pour prendre la fuite avant que les mermécolions ne les rattrappent une fois que  la diversion « dégustation de chameaux » est terminée.

Guillaume clerc de Normandie , dans son  ouvrage intitulé « bestiaire divin » semble relater une scène analogue à celle de Gervais de Tillbury. Toutefois chez Guillaume ce ne sont pas des chameaux mais des chevaux qui servent d’appât.

Plus récemment :

Flaubert a parlé du mermécolion dans « la tentation de Saint Antoine »

Borges semble avoir cité le mermécolion dans son livre des créatures fantastiques.

Symbolique

Dans son commentaire du Physiologos, Arnaud Zucker explique que le mermécolion partage un trait commun avec le griffon : vivre dans son terrier et vouer une passion à l’or qu’il garde. Il y explique que , tout comme l’onocentaure (cf mon  vieil article blog sur les centaures) et les sirènes des bestiaires médiévaux chrétiens, le mermécolion désigne le coté hypocrite et double–jeu de certaines personnes, mais le mérmecolion désigne plus précisément l’indécision, l’inconstance et l’immobilisme qui en découle.

Ma tentative d’interprétation : le Physiologos a servi à évangéliser les foules médiévales, certaines de ses formulations étaient un terrain idéal pour divers sophismes et obscurantisme médiévaux, cette citation du Physiologos peut encourager le fermeture d’esprit, je crois qu’il est important de cerner son contexte d’application et les situations dans lesquelles cette citation ne s’applique pas. Cette citation a alimenté d’autres glosateurs médiévaux qui prônaient une pensée parfois assez manichéenne. La métaphore du mermecolion me semble s’appliquer dans des cas d’indécision nocive et  immobilisante et non dans des cas de doute constructif. D’ailleurs Guillaume Clerc dans son « bestiaire divin » écrit (chapitre « la fourmi » ) : « le devoir des chrétiens et de diviser le bon grain que leur offre l’évangile , qu’ils ne s’attachent pas à la lettre qui tue, mais à l’esprit qui vivifie » (après avoir parlé de la fourmi qui travaille le grain et avant de relater sa propre version de la fameuse scène de la chasse à l’or). Le mérmécolion possède donc tout de même la faculté de réfléchir, de trier le bon grain de l’ivraie. Le Physiologos semble faire l’impasse sur cet aspect là du mermécolion »

Voilà l’état actuel de mes recherches sur le mérmecolion, créature souvent délaissée par la fantasy actuelle.

Sources :

Josy Marty Dufaut : « les animaux du moyen-âge réels et mythiques » (éditions « Autres temps »)

 Anonyme : Physiologos (version traduite par Jérome Millon et commentée par Arnaud Zucker)

Strabon : » Géographie »

La Septante  chapitre « livre de Job »

Pline l’ancien : « histoire naturelle »

Guillaume clerc de Normandie (12ème siècle) : « bestiaire divin « 

 

 

 

 

 

 

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