Bienvenu(e)s sur ce blog dédié aux mythes, contes et légendes classiques mais aussi à la fantasy et à la science-fiction (notamment contes de SF et suites futuristes de légendes, dans mon livre "Les mémoires du Galaxytime").
Peu de choses sont connues au sujet de cette créature du folklore légendaire normand. On dit « laitice » ou parfois « létiche » ou encore « létice ». L’étymologie de ces termes semble évoquer la couleur blanche du pelage de ces animaux.
Il s’agit d’une sorte d’hermine, de belette ou de levrette, au pelage blanc (phosphorescent ?), que le promeneur peut croiser la nuit. Contrairement à son apparence de petite taille, le poids de la laitice est en fait au moins égal à une automobile : les vieux livres de légendes disent que la laitice pèse de 2000 à 3000 livres (soit 1000 à 1500 kg). Cette créature elle aussi est contrôlée par les sorciers bergers/carots.
Selon Pluquet dans « Essai sur Bayeux « les laitices seraient les âmes des enfants et bébés morts sans baptême. En cela ces laitices pourraient donc faire partie de la vaste famille des divers revenants normands (revenants diseurs de messe, fantômes vengeurs, etc)
Certaines vieilles légendes de laitice affirment que cette créature qui croiserait un promeneur nocturne pourrait sauter sur son épaule et ainsi, écrasé sous cette petite bestiole de plus d’une tonne, le voyageur malchanceux se met tout de même à courir comme il peut car la laitice n’a de cesse de le mordiller dans le but de le faire avancer. La laitice se fait ainsi transporter et quitte le voyageur une fois qu’elle est arrivé là où elle voulait aller puis elle laisse en plan le voyageur ainsi égaré. (C’est confirmé par Henry Panéel dans son ouvrage intitulé « Contes et légendes de Basse-Normandie »).
Cela ressemble donc un peu aux milloraines et fourolles (cf les précédents articles du blog de la section bestiaire) qui montent à l’arrière du cheval du voyageur nocturne qui a la malchance de les rencontrer.
La laitice possèderait le pouvoir d’apparaître et disparaître à sa guise (selon le texte de G Dubosc « sorcellerie normande » dont l’adresse web d’un extrait figure dans les articles précédents). S’agirait-il là d’une sorte de pouvoir de téléportation ?
Tout comme la milloraine et la taranne (mon article sur la taranne est trouvable dans les anciens articles du blog) , certaines légendes n’évoquent pas explicitement le terme « laitice », mais constituent de très vraisemblables vestiges d’une vieille légende de laitice.
Cela semble être le cas de « la levrette blanche » (facilement trouvable dans divers livres de légendes normandes). Je vais tenter de vous résumer ce récit (au dénouement certes prévisible) :
le château en ruines à Saint Georges de Rouellay abrite une bien triste histoire que je vais tenter de vous résumer ci-dessous.
Autrefois ce château était prospère et il respirait la convivialité. Mais une épidémie de peste décima toute la famille seigneuriale sauf le fils aîné Raymond , viandard et brute épaisse notoire. Non content de terroriser la population locale et de ne pas respecter l’écosystème (il traquait le gibier jusque dans les champs), il assouvit sa soif de violence en participant à une croisade. Voici donc Raymond en Espagne, il y fit la connaissance d’un noble local qui lui promit la main de sa fille Isabelle. Mais la guerre ruina subitement ce seigneur espagnol,
Raymond fut donc d’un seul coup bien moins intéressé par ce mariage, car Raymond, se montrait également cupide et calculateur. Le père d’Isabelle demanda à Raymond si malgré sa ruine financière , il voulait toujours épouser Isabelle. Raymond répondit que oui, mais prit la fuite quelques heures après, une fois la nuit tombée.
De retour dans son château normand, notre détestable Sieur Raymond peinait à trouver le sommeil. Il découvrit bientôt que chaque nuit un canidé (une levrette très exactement) au pelage blanc venait japper d’un air plaintif sous sa fenêtre. Au septième jour de ce manège, Raymond, excédé, alla a sa fenêtre et prit son arc, voulant faire taire cette femelle canidée qui rôdait sous sa fenêtre entre l’étang et le château. .. Une flèche partit, mais glissa sur le pelage blanc de la levrette, Raymond tira une seconde fois, sans davantage de succès…. Fulminant et bien décidé à tuer cet animal au pelage « antiflèches », Raymond prit son temps pour armer la troisième flèche, cette fois il visa le cœur…. Et là, Raymond ne rata pas sa cible : l’animal touché en plein cœur poussa un terrible hurlement… Raymond descendit afin de voir le corps de la créature de plus près, , alors la créature commença a l’allonger et a prendre forme humaine… « Isabelle » s’écria Raymond avec stupeur, car c’était bien elle, transformée en levrette blanche nocturne afin de tenter de se rapprocher de Raymond. Notre tyran viandard se voyait alors assailli de regrets lorsqu’ Isabelle lui dit « Raymond, tu n’as déjà tué une fois en Espagne en me laissant mourir de chagrin quand tu es parti sans donner de nouvelles, avec cette flèche tu viens de me tuer une seconde fois » (le récit précise qu’à sa première mort elle aurait obtenu des instances divines la possibilité de revenir sur terre sous forme de levrette blanche afin de recoller les morceaux avec Raymond) . Une malédiction venait alors de s’abattre sur Raymond et sur ce château, qui tomba vite en ruines. Raymond disparut à jamais du château cette nuit là, nul ne sait ce qu’il est devenu. La légende raconte que les eaux de cet étang bordant les actuelles ruines du château ont perdu à jamais leur limpidité le jour ou Isabelle , mortellement touchée par la flèche, s’y engouffra pour devenir une ombre. Cette histoire est contée entre autres dans "Contes et légendes de Normandie " par MH Delval.
Je serais donc très surpris d’apprendre que cette Isabelle ne soit pas une variante locale de laitice…. (la légende ne précise pas si certaines nuit, le fantôme de Raymond et/ou celui d’Isabelle reviendraient ou non hanter ces ruines de château au bord de l’étang, ni si Isabelle reviendrait parfois ou non sur les lieux sous forme de laitice).
Sur http://www.manchetourisme.com/fr/syndication/randonnees-a-pied/detail/ITINOR050V503K1P/SAINT-GEORGES-DE-ROUELLEY/Promenade-et-Randonnee-Le-moulin-de-foulon on apprend que le nom ancien de cette légende est « la levrette obstinée », le château serait situé au lieu dit de » la planche Bray », il n’en resterait que des douves.
Dans son œuvre du 19ème siècle collectant les légendes normandes, Amélie Bosquet explique que l’on peut dire « laitisse » , « létiche » , ou encore « létice ». elle explique qu’il s’agirait en vérité des hermines, car autrefois leur nom était …. létice. Il semblerait que les romains auraient donné le nom « léti » aux habitants de l’Armorique en allusion à cette hermine. Les bretons auraient choisi l’hermine comme symbole.
Ce village de « la levrette obstinée/ blanche » n’est pas bien loin de l’actuelle Bretagne , à tel point que sa « Fosse Arthour » reste très liée à la légende du roi Arthur … L’explication d’Amélie Bosquet me semble donc très plausible.
Il existe peut-être d’autres éléments méconnus concernant les létices, mais voilà ce que j’ai trouvé pour le moment.