Bienvenu(e)s sur ce blog dédié aux mythes, contes et légendes classiques mais aussi à la fantasy et à la science-fiction (notamment contes de SF et suites futuristes de légendes, dans mon livre "Les mémoires du Galaxytime").
Dans les bestiaires chrétiens du moyen âge il existe des « créatures du bien ». C’est probablement le cas de la salamandre, luttant contre les « forces maléfiques ». Elle possède certains pouvoirs. On lui a associé un riche background historique et symbolique.
LA SALAMANDRE : DESCRIPTION GENERALE
La science et la zoologie n’étant pas le fort de cette époque, les écrits et images ne faisaient aucune distinction entre les animaux réels et ceux imaginaires. Bien que souvent décrites à des fins de paraboles religieuses ou de christianisation des païens, l’existence de ces créatures légendaires semblait communément admise par les gens de cette époque. La salamandre occupe une place privilégiée dans les bestiaires médiévaux, et pourtant elle reste pas vraiment associée au dogme et à la morale des clercs.
La salamandre du monde réel est un petit amphibien dégageant une sécrétion laiteuse plus ou moins ignifuge, substance toxique que cet animal utilise pour se défendre
Dans les légendes chrétiennes la salamandre, de couleur variable, se trouve dotée de puissants pouvoirs :
1) Elle empoisonnerait les fruits en montant sur les pommiers pour les contaminer de sa substance, selon Guillaume clerc de Normandie. Il explique ensuite dans son bestiaire (13e siècle) que la salamandre répandrait son venin dans l’eau des puits.
2) elle résiste au feu. Mieux encore : elle éteint le feu sur son passage, par sa seule présence.
3) paradoxalement elle se nourrit de feu passant dans sa gueule. (selon De Tillbury, en autres)
Le Physiologus écrit : « si elle pénètre dans une fournaise de feu ardent, la fournaise s’éteint entièrement…… » (fin de citation)
De prime abord on pourrait croire que la salamandre avec son venin formait une créature démoniaque, mais il n’en n’est rien. Ce poison de la salamandre légendaire était-il donc pour les clercs de l’époque une façon d’induire l’idée suivante : pour se montrer vraiment bienveillant faut-il d’abord avoir la possibilité de choisir entre faire du mal ou du bien ?
Le jeu des contraires et la quête d’équilibre sont probablement suggérés plus loin dans le Physiologos : « des enfants jetés dans la fournaise…. ils ont refroidi la fournaise par l’effet des contraires » (fin de citation)
DIVERSES ATTRIBUTIONS ET SYMBOLIQUES
L’idée de la salamandre qui éteindrait le feu en marchant a tout d’abord été formulée par Aristote. Certaines propriétés plus ou moins ignifuges de la salamandre réelle étaient en effet connues dés l’antiquité, dans la limite des connaissances scientifiques de l’époque.
Bien que réputée venimeuse, la salamandre symbolise surtout la foi ardente, celle qui « déplace les montagnes ». Son pouvoir légendaire majeur consiste effectivement à éteindre le feu sur son passage.
Certains y voient une allusion à l’épisode de Daniel dans la fosse aux lions.
L’épisode biblique venant renforcer ce symbole est celui des 3 enfants jetés dans le feu. Le roi Nabuchodonosor avait ordonné de brûler vif trois enfants de religion juive. Le mythe biblique raconte que la foi des enfants se fit si grande qu’ils triomphèrent des flammes.
Selon Pierre de Beauvais ces deux épisodes véhiculeraient l’idée de la foi capable de surmonter la cruauté des tyrans.
Toutefois je vais citer un élément atypique face aux généralités de ces légendes : une salamandre aurait été tuée par un héros chrétien dans « Jean de l’ours » (l’histoire complète ici http://www.unblogreveur.net/article-32802318.html ) , mais cela fait-il forcément pour autant de la salamandre une créature de nature malveillante dans cette histoire-là?
N’étant pas un as de la théologie, ce qui va suivre dans ce petit paragraphe soulève des aspects complexes que je ne maîtrise pas totalement. En tous cas ce qui me paraît fort probable, c’est que malgré son fort bagage de foi religieuse, la salamandre des bestiaires représenterait une créature de l’ambiguité et de l’équilibre des contraires , car :
1) elle éteint le feu tout en s’en nourrissant et en demeurant vénéneuse.
2) cette créature n'est pas vraiment ou pas totalement un élément chrétien, mais constitue plutôt un exemple de forte ferveur religieuse et de sagesse.
3) Guillaume clerc de Normandie associe-t-il en fait la salamandre à la libido « correctement canalisée » ? C’est du moins mon hypothèse car ce clerc parle de « feu de la luxure » et de « grand embrasement des vices » concernant la salamandre qu’il juge sage créature quoique vénéneuse. Guillaume clerc de Normandie, habitué des ambiguités symboliques, a par ailleurs critiqué certains moines orgiaques de son époque . En outre, l’anonyme Bestiaire d’amour rimé dit « la salamandre est un serpent qui vit dans le feu qui ne craint pas qu’il la brûle … » (fin de citation).
Voilà sur quoi je fonde mon hypothèse…
PORTEE HISTORIQUE :
La salamandre fut l’emblème royale que choisit François 1er à l’époque de la renaissance. A t-il donc été séduit par l’idée d’endurance et de tempérance au cœur de la souffrance si chère au thème de la salamandre ?
Il a fait orner les châteaux de Chambord et Blois par des motifs de salamandres. En termes d’armoiries la salamandre symbolise la tempérance et la justice.
J’ai comme l’impression que la salamandre légendaire s’avère assez récurrente dans la région des châteaux de la Loire. De nos jours le nom de ce reptile se retrouve assez souvent dans l’industrie hôtelière de cette région, sous diverses formes…
Bibliographie :
"animaux mythiques et réels du moyen âge" ( par Josy Marty Dufaut)
wikipédia