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Bienvenu(e)s sur ce blog dédié aux mythes, contes et légendes classiques mais aussi à la fantasy et à la science-fiction (notamment contes de SF et suites futuristes de légendes, dans mon livre "Les mémoires du Galaxytime").

(Une pomme de) Discorde et Hercule

 

Concernant Discordia/Discorde, Il s’agit d’une divinité romaine des disputes et conflits. Ses cheveux sont des serpents. C’est mentionné dans le livre VI (253 -285) de l’Énéide de Virgile. Ce passage la décrit avec des cheveux vipérins et des bandelettes tachées de sang. Dans cette section Virgile présente les palais vides de Dis et son royaume peuplé d’entités personnifiant des choses fragiles voire néfastes. Dans le livre VIII (673-703) du même ouvrage elle est évoquée avec un habit déchiré. En outre, la traduction de Delille (cf bibliographie en fin d’article  https://mediterranees.net/mythes/troie/eneide/   ) du livre I de l’Énéide mentionne Discordia en ces termes rimés :

« Et la Discorde au-dedans, fille affreuse d’enfer,

Hideuse y rugira sous cent câbles de fer,

Et, sur l’amas rouillé des lances inhumaines,

De sa bouche sanglante enfin mordra ses chaînes ».

Dans le livre XII venant clore cet ouvrage la Discorde semble attiser un conflit armé vers les remparts de Laurente. En outre dans divers endroits de ce texte de Virgile, l’esprit de discorde semble souvent exercer une forte influence sur les personnages.

Dans le livre I de la Thébaïde de Stace (ici http://remacle.org/bloodwolf/poetes/stace/thebaide1.htm  ), la discorde apparait sous une forme humaine avec l’usage du terme « compagne » et le texte explique que son inséparable partenaire n’est qu’autre que l’exercice du pouvoir en commun. Cette traduction française par Nisard indique aussi que la Discorde (avec un « d » majuscule) exaspère deux rivaux. Ce récit latin comporte de nombreux éléments de mythologie grecque et présente donc un lien entre la grecque Eris et la Discordia romaine (tout comme le récit de Virgile comporte une certaine influence de la mythologie grecque). Dans un autre passage de cet ouvrage la Discorde paraît représentée sous forme humaine, tenant une épée à double tranchant, aux côtés de divinités de la peur, de la colère et d’autres émotions.

 Le Dictionnaire de mythologie grecque et romaine de Belfiore indique aussi qu’elle porte un habit ensanglanté et tient dans sa main certaines fois une vipère et d’autres fois une épée. Elle serait également soit compagne ou sœur de Mars soit de Bellone.  Chez Nonnos (dans les Dionysiaques, livre XX, lisible ici http://remacle.org/bloodwolf/poetes/nonnos/diony20.htm  )  Discorde utilise un char tiré par des fauves et interpelle Bacchus pendant son sommeil. Elle l’incite alors à faire la guerre.

Elle fut évoquée par Nonnos mais aussi dans une fable faisant intervenir Hercule. Dans ce récit le célèbre héros à la force surhumaine va être mis en échec par un simple fruit. La 129ème « fable d’Esope », intitulée » Heraclès et Athéna » (lisible ici  http://remacle.org/bloodwolf/fabulistes/esope.htm ), nous conte un Hercule /Héraklès qui rencontre sur son chemin une pomme grandissant de manière exponentielle quand il la frappe maintes fois en s’acharnant dans sa colère (avec son pied et sa massue), au point d’obstruer la route qu’il empruntait. Dépité, le colosse finit par laisser tomber son arme. Athéna lui explique ensuite que cette pomme est l’esprit de dispute. Il s’agit donc d’une autre « pomme de discorde » que celle du célèbre jugement de Pâris (qui elle en revanche fut à l’origine de la guerre de Troie). Hercule étant connu pour son caractère irascible, son rôle dans cette fable lui correspond bien. Il a ici un comportement et des réactions qui illustrent très bien le sens des explications formulées à la fin de la fable. La pomme devenue grosse et bloquant la route ne représente-t-elle pas la gravité et l’ampleur d’un conflit empêchant ou gênant les activités d’un individu ?

Dans le dictionnaire de mythologie grecque et romaine de Belfiore, il est expliqué que Discorde correspond à la déesse grecque Eris. La fable attribuée à Esope, avec Athena et Heraklés, semble faire partie de la culture mythologique grecque et illustre l’esprit de conflit similaire à Eris et à la Discorde romaine. Le dictionnaire de Belfiore classe ce récit de la pomme géante dans l’entrée consacrée à Discorde, et utilise les termes « Querelle » et « Discorde ».

Le dictionnaire latin-français nommé « Novitius Seu dictionarum latinum Gallicum /Dictionnaire latin-François à l’usage de monseigneur le Dauphin » (Rollin, Jombert, circa 1750) indique « vir discordia : homme de discorde qui sème le trouble » mais aussi le verbe «  discordare (-avi, -atum) : être en mauvaise intelligence ».  Il est ensuite écrit que « discordare inter » signifie « être brouillé avec quelqu’un, être en mauvaise intelligence, avoir du différend, être mal ensemble ». D’autres termes dérivés (par exemple, « discordix, discordia, discordialis ») sont présentés puis l’ouvrage indique que « discors / discordis » signifie « opposé, discordant, contraire, qui ne s’accorde pas, qui est en mauvaise intelligence ».

Le « Dictionnaire latin-français « (François joseph Michel Noel, circa 1837) indique « discordia, ae, f (dis, cor) : discorde, dissension, division, désunion, mésintelligence, -- mentis … combat de différentes passions, différence ».

Le dictionnaire Gaffiot de latin-français fournit quelques autres acceptions en plus de la plupart de celles évoquées précédemment, il indique notamment : « agitation » mais aussi « discordia mentis : état discordant des pensées, fluctuations de l’esprit ». Le Gaffiot mentionne ensuite la déesse Discordia en ces termes : « Discordia, ae,f (discors)  : la Discorde, (Déesse file de l’Erèbe et de la Nuit) (VIRG. EN. 6  280) » (la version numérisée de l’édition 2016 indique la même chose pour « Discordia » en tant que déesse, mais sans lui associer le terme « discors »).

Le préfixe « dis- » servant souvent, en langue française, à désigner la séparation, la différence ou l’absence serait d’origine latine (comme expliqué ici (http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=3743  ). Ce même lien explique qu’en revanche le préfixe « Dys », également utilisé en langue française, est d’origine grecque et sert plutôt à désigner « un mauvais état, un mauvais fonctionnement, une anomalie, la difficulté ou la douleur ». Cette dernière acception d’origine grecque pourrait faire penser au royaume de Dis relaté par Virgile  décrivant d’autres divinités ou entités fragiles ou néfastes côtoyant Discorde. Catherine Salles (dans « La mythologie grecque et romaine », au sujet des divinités des enfers romains écrit ceci : « ‘Dis’ (‘le riche’) est la traduction en latin du grec ‘ plouton’, éptithète d’Hadès. D’ailleurs par la suite les romains préfèreront la plupart du temps l’appeler Pluton » (pages 201-202). Par conséquent il serait loisible, de prime abord, de penser que dans les mythes gréco-romains il peut souvent exister un lien entre la richesse et la Discorde. On peut observer, dans l’acception et la version latines, la différence et l’évolution de sens par rapport aux significations véhiculées par les influences mythologiques et terminologiques grecques. En outre le « Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine » de Joel Schmidt explique que le nom du dieu romain Pluton vient du grec « Ploutos » signifiant richesse et qu’il « était la personnification divine de la fécondité de la terre, le garant de l’abondance des récoltes » (page 253 ) et qu’il portait parfois aussi le nom de « Dis pater » (c-a-d père des richesses) et était donc souvent assimilé au dieu grec Ploutos. Schmidt écrit ensuite qu’étant une divinité souterraine, Pluton fut donc assimilé à Hadès régnant sur les enfers. Il serait certes tentant de croire voir un rapport terminologique entre « Dis-cordia « et le royaume de Dis, mais le dictionnaire Gaffiot en ligne nous donne le nom « Dis/ditis » (avec une majuscule ici https://gaffiot.org/45531 ) qui y est défini comme « Pluton, dieu des enfers », ainsi que le terme « dis /ditis » (sans d majuscule, ici https://gaffiot.org/45530 ) comme signifiant « riche, opulent, abondant ». Ce même dictionnaire comporte une autre entrée en « dis » (ici https://gaffiot.org/45529 ) : un préfixe latin désignant la division, la séparation, la distinction, l’achèvement, la plénitude, la négation.

Si l’on se souvient du « dis- cor » évoqué ci-dessus,  le Gaffiot en ligne nous donne également ( ici https://gaffiot.org/41009  le terme « cor/cordis », signifiant (au figuré) « corda/animi « (donc, comme expliqué ici https://gaffiot.org/28679 , âme , esprit, siège du sentiment , de l’âme de la pensée, du désir et de la volonté, sentiment, passion, et pour des plantes, caractère ou nature) mais aussi cœur, siège du sentiment (« corde ») ainsi qu’intelligence, esprit, bon sens.

Le terme et la divinité romaine « Discordia » forment bien entendu le contraire de Concordia (déesse romaine de la bonne entente, de la concorde). Un article traitant partiellement de Concordia avait été publié ici http://www.benoitreveur.info/article-mythologie-chez-fiore-et-vadi-121137191.html 

Il y aurait sans doute d’autres choses à mentionner sur ce sujet mais voilà pour le moment.

Dans cet article une certaine marge d’erreur est évidemment vraisemblable.

Article écrit par Benoit Rêveur, avril 2020

Bibliographie

 Virgile :  Enéide (traduction française de Jacques Delille également nommé l’abbé Delille (disponible ici https://mediterranees.net/mythes/troie/eneide/  circa fin 18ème début 19ème siècle), + l’édition et traduction française de Jacques Perret, coll. Folio, ed. Gallimard, 1991.

Stace (Statius), Thébaïde (traduction française ici http://remacle.org/bloodwolf/poetes/stace/thebaide1.htm

Esope, fables, ici http://remacle.org/bloodwolf/fabulistes/esope.htm 

Nonnos :  Dionysiaques (ici http://remacle.org/bloodwolf/poetes/nonnos/diony20.htm   )

« Novitius Seu dictionarum latinum Gallicum /Dictionnaire latin-François à l’usage de monseigneur le Dauphin » (Rollin, Jombert, circa 1750)

« Dictionnaire latin-français « (François joseph Michel Noel, circa 1837)

Dictionnaire latin-français dit « le Gaffiot », circa 1934-2016, Felix Gaffiot (Hachette et https://gaffiot.org/ )

« Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine », Joel Schmidt, Larousse, France Loisirs, 1991.

« Grand dictionnaire de mythologie grecque et romaine » Jean-Claude Belfiore, Ed. Larousse, 2010.

« La mythologie grecque et romaine », Catherine Salles, Fayard/Pluriel, 2013.

Office québecois de la langue française http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=3743

 

 

 

 

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